The Underground Railroad (sans l’article “the” pour le titre de la traduction française) est un roman d’histoire alternative de Colson Whitehead. Il narre l’épopée d’une jeune esclave qui fuit le sud des Etats-Unis au début du XIXe siècle grâce à un train secret. Un récit dense et haletant qui est aussi un hommage à la résilience des esclaves et au courage des abolitionnistes.
Un roman exigeant
Le personnage principal, Cora, est une jeune esclave née dans une plantation de Géorgie dirigée par un maître particulièrement cruel. Avec un autre esclave ayant appris à lire, Caesar, elle parvient à s’échapper et trouve refuge en Caroline du Sud. Elle commence alors une nouvelle vie… jusqu’à ce que les « chasseurs d’esclaves » la rattrapent.
Publié en 2016, The Underground Railroad a reçu le prestigieux Prix Pulitzer en 2017. Depuis, Colson Whitehead a reçu un deuxième prix Pulitzer pour The Nickel Boys. Le style de l’auteur est particulièrement remarquable et original. Même si j’ai l’habitude de lire en anglais, j’avoue avoir eu du mal à saisir toutes les subtilités de certaines scènes, notamment en raison de l’argot utilisé par l’auteur, tiré de la langue des esclaves. Heureusement, la force des personnages et des scènes décrites m’a permis de rester captivée et de me plonger dans l’univers très particulier du roman.
La lumière au bout du tunnel
L’Underground Railroad tel qu’il a réellement existé était un réseau clandestin géré par des abolitionnistes (blancs et – surtout – noirs) de 1810 à 1850. Il s’agissait pour ses membres de faciliter l’évasion des esclaves des plantations du Sud vers le Nord des Etats-Unis et le Canada, où l’esclavage était aboli. Dans son roman, Whitehead donne une interprétation littérale au nom de ce réseau et imagine la construction d’un souterrain permettant aux esclaves de s’échapper via un train clandestin.
Ce petit brin de science-fiction n’empêche pas l’auteur d’ancrer son récit dans la dure réalité de la société esclavagiste. La violence physique et psychologique est très présente, parfois insoutenable. Des avis de recherche diffusés par les maîtres des fugitifs, tirés des archives, ponctuent le récit. Contribuant à la tension dramatique, ils soulignent que la liberté, chèrement acquise, peut disparaitre à tout moment.
Le passage de Cora du statut d’esclave à celui de femme libre donne lieu à une réflexion très intéressante. La liberté de mouvement ne suffit pas. Il faut aussi libérer son esprit, parler et se comporter comme si on avait le droit d’être là. Un processus qui passe par une forme de conscience collective, très présente dans le roman. À travers la mémoire de sa mère et de sa grand-mère, mais aussi à travers l’armée invisible des esclaves ayant construit les souterrains du « train de la liberté », Cora entrevoie une force inexorable prête à faire basculer l’Histoire et à rendre aux Africains-américains la maîtrise de leur destin.
L’esclavagisme à travers le prisme de l’histoire alternative
L’originalité d’Underground Railroad consiste à utiliser la science-fiction pour créer des associations d’idées inédites. Cette approche permet à Whitehead d’aller au-delà des faits historiques pour faire appel à l’imagination du lecteur contemporain. En plus des scènes fantastiques lors desquelles Cora traverse les Etats-Unis dans le train souterrain, certains chapitres contiennent des éléments dystopiques qui suggèrent des parallèles entre l’esclavagisme et les idéologies totalitaires. Stérilisation forcée des esclaves affranchies sous prétexte de les soigner, chasse aux sorcières et remplacement des esclaves par les immigrants européens en Caroline du Nord…. Underground Railroad est un roman très riche qui, grâce au pouvoir de la fiction, pose un regard critique et singulier sur l’horreur de l’esclavage.
Je suis maintenant impatiente de découvrir la série en dix épisodes adaptée du roman dont la sortie est prévue sur Amazon Prime le 14 mai !