Légende de la photo d'en-tête : Statue représentant les comtes d'Egmont et de Hornes par Charles-Auguste Fraikin, Petit Sablon, Bruxelles.

Des cendres sur nos cœurs : la Flandre déchirée par les guerres de religion

Couverture du roman « Des cendres sur nos cœurs » d’Anne Degroote (Presses de la Cité, 2021)

Annie Degroote est une autrice prolifique qui ne cesse d’explorer l’histoire de sa région natale : les Flandres françaises. Dans son dernier roman, Des cendres sur nos cœurs, elle évoque la montée des tensions entre catholiques et réformés dans la seconde moitié du XVIe siècle et les bouleversements politiques qui en résultent.

Dans les coulisses de la noblesse bruxelloise

Le héros du roman, Loup de Daredeville, est un jeune homme originaire des Flandres françaises qui entre au service du comte d’Egmont, proche conseiller de la gouvernante des Pays-Bas, Marguerite de Parme. Aux premières loges de la Cour de Bruxelles, Loup découvre les rivalités entre le roi Philippe II, établi à Madrid, partisan d’une approche dure face à la montée du culte réformé, et la haute noblesse des Pays-Bas, dont Egmont fait partie, favorable à une approche plus modérée.

De la violence iconoclaste à l’Inquisition

Alors que Loup se questionne sur sa propre foi et qu’une partie de sa famille rejoint les réformés, la petite histoire se mêle à la grande. A partir d’août 1566, des briseurs d’images commencent à saccager les églises pour protester contre le culte catholique des Saints. S’en suit en répression féroce avec l’arrivée du Duc d’Albe à Bruxelles en 1567 pour mettre fin à « l’hérésie »». La violence des tortures et des exécutions est bien présente dans le roman, des femmes enterrées vivantes aux hommes écartelés en passant par la célèbre décapitation d’Egmont et Hornes sur la Grand-Place de Bruxelles en 1568.

Face à la terreur, le héros et sa famille sont tiraillés entre le désir de garder les faveurs du pouvoir en place et le rejet de la violence aveugle. Sans compter que Loup, envoyé à Anvers par le comte d’Egmont, tombe amoureux d’une jeune calviniste…

J’ai aimé…

  • le personnage de Loup, attachant dans ses efforts pour réconcilier sa foi catholique et son attirance pour les principes de la Réforme.
  • la façon dont le roman aborde les différents aspects du conflit. En plus de points de rupture entre catholiques et protestants, Des cendres sur nos cœurs souligne les divergences au sein de chaque camp : entre luthériens et calvinistes d’une part, entre catholiques favorables à la tolérance et partisans de l’Inquisition d’autre part. Les tensions au sein de la noblesse « belge » et le rôle ambigu de Marguerite de Parme sont aussi évoqués de manière très intéressante.
  • le choix de l’autrice d’insister sur la montée des tensions et le basculement dans la violence, plutôt que sur la période des troubles après l’arrivée du duc d’Albe.

J’aurais aimé…

  • des personnages secondaires un peu plus complexes. Ysabel, la fiancée de Loup, est par exemple un personnage très lisse auquel il est difficile de s’attacher.
  • un style un peu moins didactique. Côté positif, Annie Degroote a un style très accessible et ses romans offre une foule de détails passionnants sur le contexte historique. La Grande Histoire est très présente et presque toutes les grandes figures historiques de la période sont évoquées (non seulement les dirigeants et les notables mais aussi Plantin à Anvers, Bruegel à Bruxelles…). C’est un peu comme si l’autrice prenait le lecteur par la main. Cela permet de profiter du roman même quand on connaît très peu de choses sur la période. Côté négatif, cette approche laisse peu de place à l’imagination et à l’intelligence du lecteur. La narration omnisciente donne parfois l’impression d’un cours d’histoire, avec des expressions comme « Lorsque, comme Loup, on vit dans cette seconde moitié du XVIe siècle ». Beaucoup de scènes sont un prétexte à des visites touristico-historiques de lieux emblématiques comme l’Aula Magna du Palais de Coudenberg à Bruxelles, la Bourse d’Anvers… Les descriptions sont certes un plaisir pour les amateurs de patrimoine mais n’apportent pas grand-chose à l’intrigue.

Au final, Des cendres sur nos cœurs offre malgré tout une belle immersion dans le territoire de la future Belgique au XVIe siècle. Le roman donne envie de continuer l’aventure en suivant les personnages dans leur exil. La vie des premiers réfugiés flamands en Angleterre et aux Pays-Bas ferait en effet un beau sujet de prochain roman.

Merci à NetGalley et aux Presses de la Cité de m’avoir permis de lire ce livre au moment de sa publication officielle le 8 avril 2021.

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