Poussières noires et un roman historique sur l’expropriation et l’exil du clan de L’Homme qui Marche, un groupe d’Amérindiens issu des tribus Navajos dans le Sud-Ouest des États-Unis dans la deuxième moitié du XXe siècle. Un épisode douloureux qui marque profondément Hokee, une jeune femme issue du viol d’une amérindienne par un général blanc du Bureau of Indian Affairs (BIA).
Des enfants métis ostracisés
Les violences de l’État américain envers les populations autochtones ont déjà fait l’objet de nombreux essais et romans (voir les chroniques de Phusis, L’envol du moineau, Mille femmes blanches…). L’originalité de Poussières noires est d’offrir un récit du point de vue d’une jeune métis, Hokee, qui se fera plus tard appeler June. Condamnée, comme tous les enfants issus d’une union avec un Blanc, à vivre en marge de la société navajo, elle est cantonnée à un rôle de spectatrice pendant toute la première partie du récit. Alors qu’elle vit seule dans un abri rocheux au creux d’une falaise, elle rêve de s’intégrer dans la communauté. Elle parviendra finalement à trouver sa place parmi ses pairs lorsque les menaces d’expulsion du BIA forceront son clan à quitter les montagnes de Black Mesa pour Moab, à l’Est de l’Utah.
Une intrigue qui peine à décoller
Du début à la fin, tout est raconté à la première personne, du point de vue d’Hokee. Son personnage génère une réelle empathie : désireuse de s’intégrer, y compris dans le « nouveau monde » dominé par les Blancs, elle ressent un profond respect pour les traditions de son peuple et espère redresser les injustices dont sont victimes les Navajos à travers le dialogue plutôt que la confrontation.
Toutefois, le style de l’autrice, très contemplatif dans le premier tiers du roman, rend la lecture parfois assez laborieuse. Les descriptions de la nature environnante, caractéristiques des romans consacrés aux peuples amérindiens, ne sont pas suffisamment intégrées à l’action pour offrir du sens, et l’intrigue peine à décoller. Malgré une certaine accélération dans les derniers chapitres, on reste un peu sur sa faim après la scène de confrontation finale entre Hokee et son géniteur (ce n’est pas vraiment un spoiler car on la sent venir dès le début).
La descente aux enfers de tout un peuple
Sur le fond, Poussières noires offre une description assez précise des maux infligés au peuple navajo par les structures de l’État : pollution des cours d’eau suite à l’exploitation des mines, destruction de l’habitat traditionnel, alcoolisme, apparition de nouvelles maladies, conditions de travail déplorables dans la mine d’uranium de Moab, malformations infantiles… Le tableau, quoiqu’extrêmement sombre, se conclut par une petite note d’espoir : la nomination par Joe Biden, en décembre 2020, de l’amérindienne Deb Haaland à la tête du département de la Sécurité intérieure, avec notamment pour responsabilité les ressources naturelles et les réserves indiennes. Une première historique.
Article original publié dans Le Suricate Magazine