What they said about Luisa est un roman historique (en anglais, non encore traduit en français) qui intrigue à la fois par son sujet et par son approche narrative.

Une héroïne insaisissable

Concernant le sujet, le roman s’inspire d’un personnage ayant véritablement existé mais dont on sait peu de chose. Née esclave à Séville au milieu du XVIe siècle, Luisa Abrega est mise enceinte par son maître. Lorsque celui-ci décède et lui accorde la liberté par testament – ainsi qu’une petite somme d’argent, Luisa doit se créer une nouvelle vie. Mais que peut espérer une mère célibataire, ancienne esclave, dans une société régie par la religion catholique et une stricte hiérarchie sociale et raciale ?

Lorsqu’un vieux marin solitaire lui propose de l’épouser en l’échange de la promesse d’une nouvelle vie au Mexique, elle accepte. Il s’agit d’ailleurs du premier mariage connu entre un homme blanc et une mulâtresse dans l’Espagne du XVIe siècle. Nous sommes en 1565 et le couple entame un voyage périlleux à travers l’Atlantique. Réussites comme échecs seront au rendez-vous. Mais surtout, Luisa se retrouvera jugée par l’Inquisition espagnole au Mexique… une épreuve dont elle sortira transformée.

Un éventail de points de vue

Plutôt que de miser sur un roman classique à la première ou à la troisième personne épousant le point de vue de son héroïne, l’autrice – et historienne – Erika Rummel fait le choix audacieux de ne jamais nous communiquer les pensées de son héroïne. Chacun des onze chapitres raconte l’histoire de Luisa grosso modo de manière chronologique mais surtout en adoptant à chaque fois le point de vue d’un témoin extérieur. Si certains de ces narrateurs éprouvent de l’empathie pour Luisa, plusieurs d’entre eux lui sont résolument hostiles, telle l’épouse de son ancien maître.

Le résultat est une héroïne insaisissable, qu’on imagine à la fois sensuelle et mutique, humble et déterminée, et dont le destin hors du commun ne laisse pas indifférent. Loin d’être frustrant, ce procédé narratif permet au lecteur d’éprouver une réelle empathie avec ce personnage en proie à une multitude de préjugés. L’autrice parvient à rendre chaque témoignage complémentaire en évitant les redites, avec un effet crescendo assez subtil qui culmine dans les deux derniers chapitres, particulièrement émouvants. Une très belle lecture !

Merci à NetGalley et aux éditions Dundurn Press de m’avoir permis de lire ce livre avant sa publication officielle le 21 mai 2024.