Une tragédie bruxelloise raconte la mort d’Everard t’Serclaes, premier échevin de Bruxelles assassiné en 1388 et célèbre pour avoir défendu la ville contre le comte de Flandre, Louis de Male, en 1356. Ce livre a plusieurs qualités, mais j’avoue avoir eu du mal avec le style de l’auteur.
Côté positif, l’auteur connaît bien l’histoire de Bruxelles et a truffé son récit d’anecdotes basées sur des faits réels ou imaginés, tels que la création de la bière Lambik, du Manneken Pis, ou le choix de l’iris comme emblème de la ville. J’ai par exemple appris qu’on buvait alors une boisson alcoolisée à base d’eau et de miel (« hydromiel »), et nombreux sont les détails de ce genre qui donne un caractère authentique au récit.
Ceux qui connaissent un peu l’histoire et la géographie de Bruxelles trouveront un grand intérêt dans la description de la ville moyenâgeuse à travers ses principaux quartiers. Pour ceux qui n’ont pas les bases historiques, l’accumulation de références dès les premiers chapitres rend la lecture assez rébarbative.
Autre qualité : l’intrigue est plutôt bien trouvée et elle permet de relier de manière cohérente une petite galerie de personnages issus de différentes couches de la population bruxelloise.
Le résultat est donc d’autant plus décevant que ce roman aurait pu être une belle réussite. Malheureusement, le style est lourd, répétitif… au point qu’on peut difficilement, à mon avis, parler de roman. L’auteur mélange les points de vue : son narrateur, personnage assez insipide, parle à la première personne, mais en même temps un narrateur omniscient nous décrit les moindres actes et pensées des autres personnages. Tout cela manque de cohérence et empêche une identification du lecteur aux personnages principaux.
L’auteur mélange aussi les temps (l’emploi du futur à certains endroits « casse » le récit, le passé composé et le présent s’utilisent sans transition à d’autres endroits) et les transitions entre paragraphes ne sont pas toujours fluides. Il y a même des erreurs de base qu’un éditeur professionnel aurait dû corriger. Ainsi, le titre du 1er chapitre de la 2e partie annonce « Lennik, l’atelier de Johan le sculpteur » alors que la scène débute chez ‘t Serclaes et qu’il ne rejoint l’atelier du sculpteur que plusieurs pages après, après un voyage à cheval.
Les dialogues sont peu subtils, peu vraisemblables, avec parfois des personnages qui énoncent des évidences et se parlent à eux-mêmes dans le seul but d’expliquer la situation au lecteur. Pire, les personnages n’ont aucune profondeur psychologique. Les méchants sont 100% méchants, les gentils 100% gentils… Bref, on n’y croit pas un seul instant, et c’est bien là le grand problème de ce livre. Le « pacte » implicite entre l’auteur et le lecteur de roman historique n’est pas respecté : l’auteur parvient à nous faire découvrir de nombreux aspects du Bruxelles moyenâgeux, mais il échoue à nous « faire vivre » cette époque à travers ses personnages.