Inspiré de faits réels, À la grâce des hommes nous plonge dans le quotidien d’Agnès Magnúsdóttir, jeune fille de ferme au nord de l’Islande, de sa condamnation à mort pour le meurtre de deux fermiers en 1828, à son exécution par décapitation en janvier 1830. Un sujet plutôt risqué pour un premier roman. Et pourtant, l’Australienne Hannah Kent, qui a vécu un an en Islande dans le cadre d’un échange scolaire, parvient à récréer de manière authentique les conditions de vie très rudes dans cette région rurale, isolée, soumise aux caprices de la nature. Livrée à elle-même dès l’enfance, Agnes est en lutte perpétuelle contre les contraintes de son milieu. Elle s’accroche à cette vie qui ne lui a pourtant pas fait de cadeaux.
Ce n’était pas moi qu’ils regardaient. Pas moi qu’ils voyaient. J’étais deux hommes morts. J’étais une ferme en feu. J’étais le couteau. J’étais le sang.
Les mots d’Agnes, bruts et imagés, résonnent comme un appel au secours. Ils dénoncent le regard des autres, notre regard, sur ceux que la justice a condamnés et qui semblent perdre leur qualité d’êtres humains au moment où ils deviennent des « criminels ». Ils décrivent aussi l’espoir d’une vie meilleure, l’inévitable désillusion, puis, chaque jour, l’angoisse grandissante devant la mort. Comme dans cette scène où Agnes aide les fermiers à égorger leurs moutons avant l’hiver et où, les nerfs à vif, elle ne peut s’empêcher de penser à sa propre mise à mort.
Dans un style ultra réaliste sans romance ni mélodrame, Kent nous livre un personnage ambivalent, tour à tour manipulatrice et victime, faible et déterminée, aliénée mais profondément humaine.