Maria Montessori

Maria Montessori, le paradoxe d’une mère

Après avoir lu la bande dessinée biographique Maria Montessori : l’école de vie, j’avais hâte de découvrir le dernier film de Léa Todorov consacré à la célèbre pédagogue italienne. Si la pédagogie de Maria Montessori est mondialement connue, son destin exceptionnel et la façon dont son engagement en faveur d’une nouvelle approche éducative a marqué sa vie personnelle le sont beaucoup moins. Sorti en France sous le titre La Nouvelle femme, le film de Léa Todorov n’est pas un biopic mais plutôt le récit de la rencontre entre deux femmes aux prises avec les difficultés de la maternité.

Un abandon maternel douloureux

Co-production franco-italienne, le film Maria Montessori a été tourné dans les deux langues. Côté français, Leïla Bekhti incarne Lili d’Alengy, une célèbre courtisane parisienne dans les années 1900. Temporairement exilée à Rome, elle cherche à se débarrasser de sa fille handicapée mentale, dont la présence menace de ternir sa réputation. La petite Tina, élevée par sa grand-mère désormais décédée, rejetée par sa mère, ne sait ni parler, ni lire, ni écrire. Admise à l’institut pédagogique pour enfants « déficients » dirigé par Maria Montessori, elle s’ouvre peu à peu au monde et réalise d’énormes progrès, forçant sa mère à reconsidérer son jugement.

De son côté, Maria Montessori – l’actrice italienne Jasmine Trinca – a aussi un enfant caché. Son fils Mario, né hors mariage, est élevé par une famille de paysans à quelques kilomètres de Rome. Décidée à ne pas mettre en péril sa carrière de médecin et d’éducatrice, Maria se résout à ne lui rendre visite que le weekend, même si cet éloignement est douloureux. En mettant en parallèle le destin des deux femmes (dont la première est un personnage fictif), le film de Léa Todorov souligne le paradoxe d’une femme qui a consacré sa vie entière à l’éducation des enfants qui a pourtant choisi de ne pas élever son propre fils. Parfaite pour le rôle-titre, Trinca offre une interprétation tout en finesse, alliant émotion et retenue, abnégation et détermination. Si le personnage de Lily est moins convaincant, il offre un contrepoint intéressant, surtout dans le dernier tiers du film, lorsque la relation entre les deux femmes prend un nouveau tour avec la proposition de Lily d’aider Maria à trouver des financements.

Le déclic qui lance la méthode Montessori

En plus d’aborder le personnage de Maria Montessori à travers l’angle de sa relation avec Lily, la scénariste et réalisatrice fait le choix de s’intéresser à une période courte mais cruciale dans la vie de Maria Montessori : le moment où elle expérimente diverses méthodes éducatives avec des enfants neuro-atypiques, qu’on appelle alors « idiots » ou « déficients ». Diplômée en médecine en 1896, Maria n’a pas les mêmes options professionnelles que les hommes médecins et cherche encore sa voie. Après avoir développé différents outils pour aider les enfants de l’Institut à surmonter leurs difficultés d’apprentissage, elle se rend compte que ces outils peuvent aussi servir à autonomiser les enfants n’ayant aucun trouble cognitif. C’est à ce moment qu’elle réunit des fonds pour lancer la Casa dei bambini, une école qui mettra en pratique ses méthodes éducatives et donc le succès sera tel qu’elle fera rapidement de nombreuses émules à travers le monde.

Parce que le film a avant tout pour but de raconter la femme, et non sa pédagogie, les spectateurs désireux de découvrir ou de mieux comprendre la méthode Montessori risquent d’être déçus. Sans prétention documentaire, Maria Montessori est surtout un film historique qui recréé avec succès une époque – et le sort peu enviable que celle-ci réservait non seulement aux enfants « différents », mais aussi aux mères célibataires comme Maria et Lily. On notera la tendresse et l’émotion des scènes tournées avec les élèves de l’Institut. Le regard porté par la caméra sur les petits pensionnaires, tout en douceur, révèle à la fois leur vitalité, leur force et leur vulnérabilité. Ni panégyrique ni leçon d’histoire ou de pédagogie, Maria Montessori est un film très humain qui montre que ceux qui ont besoin d’être « réparés » ne sont pas toujours ceux qu’on croit.

Article original écrit pour le magazine Le Suricate

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