Contrairement à ce que son titre pourrait laisser entendre, le film historique Madame de Sévigné n’est pas un biopic classique mais plutôt le récit romancé d’une relation mère-fille dysfonctionnelle. Passée à la postérité grâce à la richesse de sa correspondance personnelle, la marquise de Sévigné est une figure incontournable du XVIIème siècle français. Ses écrits sont considérés comme une source d’informations particulièrement intéressante sur la vie dans les salons mondains et à la cour du roi Louis XIV. La réalisatrice Isabelle Brocard fait ici le choix de s’intéresser à la relation passionnelle voire obsessionnelle de madame de Sévigné avec sa fille Françoise. Elle en fait ainsi un personnage à la fois moderne et fortement marqué par son époque, épinglant au passage le sort réservé aux femmes dans un siècle caractérisé par le règne les apparences.
Un duo mère-fille convaincant
Si Karine Viard n’est pas une habituée des films d’époque, son interprétation de madame de Sévigné est remarquable. Sa diction, très claire sans être trop théâtrale, colle bien à son personnage de femme lettrée. Les expressions de son visage, souvent mises en valeur par des gros plans, traduisent bien les sentiments extrêmes que sa relation tumultueuse avec sa fille fait naître : gratitude, fierté, possessivité… mais aussi une peur panique de l’abandon. Le film Madame de Sévigné s’étale sur une dizaine d’années, commençant peu avant le mariage de Françoise avec le comte de Grignan. Arrangé faute de mieux pour parer à la défaveur du Roi, ce mariage contraint Françoise à suivre son mari en Provence, et donc à quitter sa mère. Celle-ci, restée à Paris, souffre plus que de raison de cette séparation. Alors que les multiples grossesses de Françoise ne font que la rapprocher de son mari, madame de Sévigné tente par tous les moyens de ramener sa fille auprès d’elle. À tel point que son entourage commence à s’inquiéter des conséquences de cette relation toxique.
Une écrivaine malgré elle
Madame de Sévigné n’est pas tendre avec son personnage, dont elle montre le côté névrosé. Mais le film souligne aussi le rôle de Françoise dans le maintien de cette relation fusionnelle malsaine. Le duo Karine Viard/Ana Girardot fonctionne très bien et l’évolution dans la dynamique de leur relation marque le rythme. Les passionnés d’histoire apprécieront le soin apporté aux décors et aux costumes, ainsi que les clins d’œil à la Fronde et au duo madame de La Fayette-duc de La Rochefoucauld, même si la grande Histoire reste relativement secondaire. Les amoureux de littérature classique, quant à eux, prendront plaisir à entendre, déclamées par les personnages ou en voix off, divers extraits de la correspondance de madame de Sévigné évoquant ses sentiments, souvent excessifs, pour sa fille, notamment lorsque les deux femmes sont séparées pendant de longues périodes. Si le résultat n’est pas particulièrement original, Madame de Sévigné est un film intéressant à plus d’un titre – notamment pour son exploration de la condition féminine au sein de l’aristocratie française au XVIIème siècle.
Article original publié dans le magazine Le Suricate
Où voyez-vous des clins d’oeil à la Fronde ? Par la présence d’anciens acteurs de celle-ci (Retz, La Rochefoucauld )? Par les pendus de Bretagne qui au lieu de la Fronde évoqué la révolte de 1675 ?
Je vous remercie car ces clins d’oeil frondeurs m’ont échappé.
Je me trompe peut-être mais j’ai le souvenir qu’au tout début du film il est fait référence à des relations amicales qu’a entretenu madame de Sévigné avec d’anciens Frondeurs, et puis en effet il y a les scènes avec le cardinal de Retz.