Les romans et les films sur la seconde guerre mondiale sont tellement nombreux que même les passionnés de fiction historique frôlent parfois l’overdose. Combien de fois a-t-on déjà lu ou vu le récit d’une jeune française tombée amoureuse d’un soldat allemand pendant l’Occupation ? L’Elise de Marcel Sel s’éloigne heureusement de ces clichés. Ce roman historique paru en octobre 2019 offre un récit passionnant sur l’idylle d’un prisonnier de guerre français avec une jeune Allemande.
La guerre vue de l’intérieur
François Bourdoiseau est un sexagénaire que sa femme vient de quitter. Seul avec sa culpabilité, il repense à son premier amour. Fait prisonnier par les Allemands en 1940 alors qu’il n’a que 24 ans, il est stationné en Mazurie, une région du Nord-Est de la Pologne qui fait alors partie du Reich allemand. En plus des travaux agricoles obligatoires, ses compétences d’accordeur de piano le mettent en relation avec la baronne locale qui est cantatrice à ses heures. C’est là qu’il y rencontre Elise, une jeune Allemande qui prend des cours de chants auprès de la baronne.
Alors que la guerre n’en finit pas, les conditions de vie s’aggravent et la vision du monde d’Elise est peu à peu ébranlée. Son idylle avec François prend fin subitement au moment de la déroute allemande, alors que les soldats soviétiques arrivent en Mazurie. Incrédule, François voit Elise crier Heil Hilter ! en faisant le salut nazi devant un soldat russe, avant d’être exécutée.
La quête de sens d’un homme qui refuse d’oublier
Des années plus tard, François reprend le chemin de la Pologne pour tenter de comprendre ce cri. Elise était-elle vraiment nazie ? Chaque étape de son parcours amène un flashback qui le replonge dans ses années de captivité. Il se remémore les amitiés entre prisonniers, la méfiance puis la solidarité naissante entre prisonniers et habitants du village. Parallèlement à la quête de François, le lecteur entend aussi la voix d’Elise qui partage ses propres souvenirs à la veille de sa mort. Persuadée qu’elle est sur le point d’être exécutée, elle entame un décompte macabre qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin.
L’alternance des deux points de vue fonctionne très bien et le récit d’Elise offre une perspective intéressante sur l’endoctrinement des jeunes dans l’Allemagne hitlérienne, et sur l’écart croissant entre la propagande idéologique et la réalité quotidienne. Ironie du sort, François et ses camarades prisonniers sont stationnés à quelques mètres de la Tanière du Loup, le QG d’Hitler en Pologne censé être totalement secret. Une situation qui aura une conséquence inattendue pour Elise…
La douleur des femmes
Bien que le style oral adopté par l’auteur soit un peu déstabilisant au début, le lecteur s’identifie rapidement à François. Celui-ci est d’autant plus attachant qu’il se remet en question et cherche à comprendre les raisons de son « abandon » par les deux femmes qu’il a le plus aimées : Elise, puis sa femme Rita, une Italienne survivante des camps. Homme de principe qui ne cherche pas à être un héros à tout prix, il refuse de mettre tous les Allemands dans le même panier et cherche le meilleur moyen de survire à la guerre sans se trahir.
En mettant en avant de nombreux aspects peu souvent peu évoqués dans les récits sur la seconde guerre mondiale, comme les exactions de soldats russes (en particulier à l’égard des femmes) à leur arrivée en Allemagne, Elise contribue à une meilleure compréhension de la guerre – si tant est qu’on puisse comprendre l’incompréhensible violence de toute guerre. Sans rien enlever à la force du roman, l’épilogue intitulé « La fiction et l’histoire » offre par ailleurs une mine d’informations très intéressantes sur la part de réalité et d’imaginaire dans les évènements décrits par l’auteur.
Elise est donc un livre qui mérite largement qu’on se plonge dans ses 450 pages. Il donne envie de découvrir Rosa, le premier roman de Marcel Sel.
Merci aux éditions Onlit de m’avoir permis de lire ce livre peu après sa publication officielle le 16 octobre 2019.
Une réflexion sur “Elise, la vie à l’épreuve du nazisme”