Un cœur en commun : La belge histoire de la sécurité sociale est une bande dessinée historique qui rend hommage aux fondateurs de l’État-providence belge de la première moitié du XXe siècle. Un ouvrage engagé contre le démantèlement du système actuel, alors que la Belgique fête le 28 décembre 2019 les 75 ans de la création de la sécurité sociale.
Un accouchement difficile
Les allocations familiales, les pensions, le remboursement des soins de santé… nous apparaissent aujourd’hui comme une évidence. Pourtant, le système de sécurité sociale belge n’a pas toujours existé. Qui se souvient aujourd’hui de ses fondateurs ? Dans Un cœur en commun, Harald Franssen revient sur les péripéties qui marquèrent la difficile adoption d’une assurance sociale pour tous, financée par des cotisations obligatoires, pour les employés comme pour les employeurs.
Bien que l’idée d’instaurer un système national de solidarité entre les citoyens date de la fin du XIXe siècle, il faudra deux guerres mondiales pour que la sécurité sociale belge voit le jour. Élaboré par un comité clandestin d’hommes politiques alors que la Belgique est encore occupée par l’Allemagne en 1944, le « Pacte social » marque un tournant dans l’Histoire en instaurant un système où chacun « contribue selon ses moyens » tout en recevant de l’aide « selon ses besoins ». Une façon de s’assurer collectivement contre les aléas de la vie.
L’originalité de la BD d’Harald est de raconter cette histoire à travers le prisme d’un autre accouchement difficile : celui d’un couple moderne, dont la petite fille d’un mois, Louise, doit subir une opération à cœur ouvert. Une intervention émotionnellement angoissante pour les jeunes parents, mais dont le coût élevé est heureusement pris en charge par la sécurité sociale (on reconnaît à travers les dessins l’Hôpital Brugmann de Laeken en région bruxelloise).
Entre récit historique et témoignage présent
Côté positif, Un cœur en commun offre un récit à la fois didactique et amusant sur les différentes étapes ayant mené à la création de la sécurité sociale. On apprend notamment à connaître les grandes figures du débat politique belge sur le sujet, comme Henri Fuss. Mais l’ouvrage ne néglige pas non plus de mentionner l’influence des systèmes allemand, anglais et français sur le système belge.
Le récit des parents de Louise, particulièrement émouvant, semble inspiré du vécu de l’auteur-dessinateur. Sans donner une image idéalisée du système hospitalier, il souligne le rôle essentiel joué par la sécurité sociale dans la prise en charge des soins de santé dès la naissance.
Un message militant
Côté négatif, je n’ai pas accroché au dessin à gros traits d’Harald, et surtout à son choix de représenter les personnages historiques sont la forme d’ « animaux habillés ». Le scénario inclue de belles trouvailles (comme le fait que les conversations du comité secret soient « espionnés » par les enfants des hôtes de la réunion), mais certaines des transitions entre passé et présent sont un peu confuses, surtout au début. Si les dialogues sont assez bons, l’écriture n’est pas toujours très lisible malgré l’utilisation de grands caractères.
La postface, enfin, paraît moins nuancée que le récit lui-même. Écrite par Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, anciens directeurs de recherche au CNRS en France, elle donne un caractère militant très marqué à la BD en adoptant une ligne anticapitaliste très proche de la Ligue Communiste Révolutionnaire (« Nos vies ne sont rien à côté de leurs profits », « les fake news sur le « trou » de la Sécu », etc.). Il est vrai que le projet d’Harald a bénéficié du soutien d’organisations fortement marquées à gauche comme le CEPAG, la FGTB wallonne et Solidaris.
À noter : Des planches de l’album seront exposés en avril 2020 dans le cadre du festival de la résistance à Verviers et au Centre culturel de Dison.
Merci aux éditions Delcourt de m’avoir permis de lire ce livre avant sa publication officielle le 8 janvier 2020.