Ruines évoquant la guerre en Syrie

Sympathie pour le diable : le siège de Sarajevo vu par un journaliste

Sympathie pour le diable est l’adaptation au cinéma du récit-témoignage de Paul Marchand, journaliste à Sarajevo pendant le siège de la ville en 1992-1993. Un film quasi documentaire sur l’impuissance et la perte de sens auxquelles font face les journalistes en temps de guerre.

Survivre dans une ville assiégée

Pendant la guerre de Yougoslavie, le siège de Sarajevo a été l’un des plus longs de l’histoire. Cette ville située en Bosnie-Herzégovine, alors encore membre de la fédération yougoslave, est restée assiégée par les paramilitaires serbes du 5 avril 1992 au 14 décembre 1995. Refusant d’accepter l’indépendance de la Bosnie, ces derniers n’ont cessé de tirer des obus, détruisant de nombreux bâtiments mais faisant aussi surtout près de 5 000 morts, principalement des civils, dont beaucoup d’enfants.

Face à cette situation dramatique, les journalistes présents sur place ont couvert le conflit sans relâche, dénonçant l’inaction des forces de l’ONU et alertant l’opinion internationale sur le désespoir et les conditions de vie abominables des habitants de la ville. Paul Marchand, un journaliste français envoyé comme correspondant par plusieurs médias francophones, a été fortement marqué par ce conflit. Blessé et rapatrié avant la fin du siège, il a relaté son expérience dans son récit Sympathie pour le diable publié en 1999.

Un hommage sans complaisance

En gardant le même titre pour son film, Guillaume de Fontenay a voulu rendre hommage au travail de Marchand pour dénoncer l’absurdité de la guerre. Avec un souci de réalisme très marqué, il montre les conditions de vie des journalistes et de la population civile au sein de l’enclave bosniaque au jour le jour, des pannes d’eau et d’électricité aux check-points installés par les paramilitaires serbes autour de la ville. L’utilisation d’un format image carré donne d’ailleurs l’impression d’un filmage « sur l’épaule » tel qu’il aurait pu avoir lieu dans les années 1990.

Mais Sympathie pour le diable est loin d’être une hagiographie.Niels Schneider incarne en effet un Paul Marchand humain et engagé, mais aussi buté et intransigeant. Ses méthodes peu orthodoxes, son refus de la neutralité et son désir de suivre le conflit au plus près sur le terrain génèrent ainsi des conflits violents avec les autres journalistes. Les rivalités entre journalistes internationaux sont d’ailleurs l’un des aspects les plus intéressants du film.

Un film déjà primé plusieurs fois

Alors que les premières minutes font craindre une voix off récurrente, Guillaume de Fontenay choisit heureusement de fournir au spectateur les repères nécessaires pour comprendre le conflit à travers des extraits de reportages diffusés par les journalistes sur place. Une manière habile de guider le spectateur à travers la complexité de cette guerre. Le personnage de Boba, la traductrice serbe de Bosnie qui accompagna Paul Marchand sur le terrain, permet par ailleurs d’évoquer la situation tragique des civils pendant le siège.

Projeté en avant-première au festival du film historique de Waterloo, le WaHFF 2019, Sympathie pour le Diable a déjà remporté de nombreux prix. Guillaume de Fontenay, qui a mis près de quatorze ans pour mener à bien ce premier long métrage, montre ainsi qu’il a réussi son pari : toucher les spectateurs et réveiller les consciences face à une guerre terrible et pourtant déjà presque oubliée. Marchand, que de Fontenay a consulté sur le scénario, ne verra malheureusement pas le film qui lui est consacré. Il est décédé en 2009.

Article original écrit pour le Suricate Magazine

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