La bande dessinée historique Robespierre sortie le 10 mai 2019 chez Dupuis est le 5e ouvrage de la collection « La véritable Histoire vraie ». Celle-ci ambitionne de mêler humour et recherches historiques pour créer des biographies illustrées à la fois divertissantes et informatives.
Résultat : une BD très dense au niveau du contenu, avec beaucoup de texte. Le dessin à la ligne claire de Philippe Bercovici sert à illustrer le propos et à créer des effets comiques, sans avoir la prétention de recréer l’ambiance du Paris révolutionnaire de la fin du XVIIIe siècle.
Un ton léger et humoristique
Malgré une approche chronologique très classique (de la naissance de Robespierre à sa mort), Robespierre évite le ton didactique souvent caractéristique des BD biographiques. La légèreté de ton contraste d’ailleurs fortement avec la gravité et la violence des évènements décrits. Les personnages féminins, tout autant que les personnages masculins, sont tournés en ridicule. Saint-Just est ainsi présenté comme un admirateur aveugle de Robespierre, le suivant partout comme un petit toutou et nourrissant des sentiments amoureux à son égard.
Charlotte Corday est quant à elle présentée comme une ingénue (« Je vous assure, j’ai glissé sur la savonnette », p. 48) alors qu’elle a en réalité assassiné Marat pour des motifs politiques. De même, le clin d’œil aux « tricoteuses » donne l’impression que ces femmes du peuple qui assistaient aux procès révolutionnaires avec leur tricot étaient de gentilles ménagères, plutôt que des activistes ayant participé activement à la violence révolutionnaire. Plus généralement, le ton humoristique adopté par la BD tend naturellement à minimiser l’aspect violent et destructeur de la Révolution.
Un scénario très dense et documenté
Robespierre, c’est avant tout l’homme que nous associons aujourd’hui à la Terreur, cette phase de de la Révolution française lors de laquelle de nombreux innocents sont exécutés (guillotinés !) de manière arbitraire pour être simplement suspectés d’anti-patriotisme. S’inspirant des recherches historiques les plus récentes, Bernard Swysen souligne les nombreux paradoxes du personnage. Officiellement opposé à la peine de mort, Robespierre vote la condamnation à mort de Louis XVI et n’hésite pas ensuite à éliminer ses opposants. L’importance de la rhétorique et de l’éloquence dans l’ascension de Robespierre est d’ailleurs bien mise en valeur tout au long de la narration.
De plus en plus radical, Robespierre s’éloigne des révolutionnaires plus modérés comme Danton et Desmoulins, qu’il n’a aucun scrupule à envoyer à la guillotine. Négligeant les questions économiques et de subsistance, il s’acharne sur les principes révolutionnaires, sans laisser de place au pragmatisme. En plus de souligner son rôle déterminant dans la création du tribunal révolutionnaire et dans le musèlement de la presse, la BD met aussi en lumière des aspects moins connus de l’histoire du personnage, comme son discours au roi alors qu’il n’était encore qu’un jeune écolier, ou encore sa relation avec son frère Augustin, lui aussi député à la Convention nationale.
L’ouvrage a par ailleurs le mérite de ne pas éluder les épisodes complexes comme l’arrestation de Robespierre en juillet 1794 et son retranchement dans la Commune de Paris avant son exécution. Cela signifie par contre que les lecteurs peu familiers de la période risquent de trouver la BD un peu difficile à suivre. J’ai moi-même mis plus d’une semaine pour finir la BD, ce qui est très rare pour un ouvrage illustré de moins de 100 pages ! L’effort est toutefois récompensé par une meilleure compréhension de l’enchaînement des évènements.
Enfin, la postface donne la parole à deux intellectuels ayant des points de vue opposés sur le personnage. Michel Onfray, très critique, condamne fermement la responsabilité de Robespierre dans le « crime de masse génocidaire » commis contre les Vendéens pendant la Révolution. Frédéric Bidouze est quant à lui admiratif et reproche aux détracteurs de Robespierre de le juger au regard de la théorie moderne des droits de l’homme, sans tenir compte du contexte de l’époque. Une controverse qui montre une fois de plus l’actualité du personnage et l’héritage sans cesse revisité de la Révolution française.
J’ai aimé…
- La courte préface de Patrice Gueniffey, historien. Celui-ci souligne les multiples facettes de Robespierre, sur lequel très peu d’archives sont disponibles (hormis les discours),
- L’effort de l’auteur pour ne pas éluder les épisodes plus complexes comme le retranchement de Robespierre à la Commune de Paris.
J’ai moins aimé…
- L’écriture dans les bulles, pas toujours très lisible,
- Le mélange parfois un peu bizarre entre des dialogues à tonalité humoristique et contemporaine (ex. Marie Antoinette disant à Louis XVI : « Te laisse pas faire, mon gros loulou ! », p. 28) et des déclarations directement tirées des archives (ex. discours, lettres et autres écrits de Robespierre).
Article original écrit pour Le Suricate Magazine