Du film d’animation de Disney à la grande comédie musicale à succès de la fin des années 1990, on ne compte plus les adaptations de Notre-Dame de Paris, le célèbre roman historique de Victor Hugo sur l’histoire d’amour impossible entre Esmeralda la bohémienne et Quasimodo le bossu. Difficile pourtant de s’en lasser, tant ce chef d’œuvre de la littérature imprégné de romantisme illustre ce qu’il y a d’universel dans les passions humaines. La nouvelle adaptation théâtrale de Thierry Debroux, qui se joue au Théâtre royal du Parc à Bruxelles jusqu’au 13 février 2022, réussit le pari de renouveler le mythe tout en restant fidèle aux fondamentaux.
Des résonances très actuelles
C’est l’incendie de la célèbre cathédrale parisienne en avril 2019 qui a donné envie à Thierry Debroux de proposer sa propre version de Notre-Dame de Paris au théâtre. Initialement prévues pour mars 2020, les premières représentations de la pièce ont été reportées pour cause de crise sanitaire. Le plaisir de découvrir le spectacle en ce début d’année 2022 n’en est que plus grand !
Les allers-retours entre passé et présent sont omniprésents dans la pièce : non seulement entre le Moyen Âge et notre époque, mais aussi avec le XIXe siècle, alors que Victor Hugo écrit son roman et que l’architecte Viollet-le-Duc reconstruit la cathédrale en style néogothique. Les premières scènes évoquent d’ailleurs l’histoire architecturale complexe du monument en rappelant les débats qui ont agité sa reconstruction, hier comme aujourd’hui. Suite à l’incendie de 2019, la cathédrale doit-elle être reconstruite telle qu’elle était initialement au Moyen-Âge ? Ou bien doit-on conserver le style néogothique du XIXe siècle ? Le débat entre les gargouilles (présentes dès le XVe siècle) et les chimères (ajoutées au XIXe siècle), représentées par des marionnettes à taille humaine sur la scène, est un bon exemple des nombreuses mises en abîme qui donnent à la pièce toute sa saveur.
Un mélange de registres savamment orchestré
Cinq acteurs se partagent la scène, incarnant Esmeralda, Quasimodo, Frollo, Phoebus et Gringoire. Quatre d’entre eux font également office de ventriloques pour animer les gargouilles, qui apparaissent comme des personnages à part entière. La performance des comédiens est remarquable, avec une mention spéciale pour Didier Colfs (que le maquillage et les costumes rendent véritablement monstrueux) et la jeune Marie Phan, dont les figures de hip hop et les danses sensuelles contribuent au dynamisme de la pièce.
Outre sa scénographie très réussie et les effets d’ombres et de lumières qui rendent hommage à l’ambiance médiévale romanticisée de l’œuvre d’Hugo, Notre-Dame de Paris de Thierry Debroux réussit à alterner les registres comique, dramatique et romantique avec bonheur. Grâce aux commentaires des gargouilles, souvent sous forme de gags pleins de dérision, aux scènes de chant et de danse remarquablement chorégraphiées, le spectateur passe du rire à l’émotion sans voir le temps passer. Le cocktail d’humour et de féerie en fait d’ailleurs un spectacle très accessible pour les enfants, dès 8 ans.
Un questionnement sur le regard des hommes sur les femmes plus actuel que jamais
Enfin, la pièce souligne l’actualité du roman en abordant les thèmes politiques et sociétaux déjà présents chez Hugo tels les dangers de l’obscurantisme, le lien entre désir et consentement, ou encore le regard des hommes sur le corps des femmes. Les Esmeralda « modernes », comme la bohémienne du roman, sont à la fois l’objet de fascination et de haine – comme si la beauté des femmes était une malédiction. Un paradoxe dénoncé avec humour, intelligence et émotion dans un spectacle du meilleur cru !
Article original écrit pour Le Suricate Magazine
Je suis ravie de voir que les adaptations de Notre-Dame sont toujours autant d’actualité – j’adore le roman ! Tu as de la chance de pouvoir voir celle-ci. Je suis contente de voir aussi qu’ils ont pu visiblement trouver quelques moyens de modernisation, d’autant plus avec l’incendie de la cathédrale.