Photographie-portrait de Claudette Colvin en 1953

« Noire » : une BD sur Claudette Colvin, l’adolescente en lutte contre la ségrégation

Couverture de la bande dessinée "Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin" d'Emilie Plateau (Dargaud, 2019)

Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin est l’adaptation en BD de la biographie romancée du même titre publiée par Tania de de Montaigne en 2015. Mise en dessin par Émilie Plateau, le récit rend hommage à Claudette Colvin, une Américaine aujourd’hui âgée de 79 ans qui, lorsqu’elle avait 15 ans, fut condamnée pour avoir refusé de laisser sa place à un blanc dans un bus de Montgomery en Alabama.

Ce scénario vous rappelle quelque chose ?  Contrairement à Rosa Parks, dont le nom est passé à la postérité pour le même acte de désobéissance civile, Claudette Colvin a été largement effacée de la mémoire collective, alors même que son procès a eu lieu en mars 1955, soit neuf mois avant celui de Rosa Parks. La différence ? Fille-mère, Claudette ne présente pas la même image de respectabilité que la couturière de 43 ans qui deviendra une figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis. En effet, dans le sud du pays, jusqu’au début des années 1960, en vertu des lois Jim Crow, la séparation des Noirs et des Blancs est institutionnalisée à tous les niveaux : écoles, magasins, hôpitaux… et même transports publics.

En plus de rappeler l’histoire de Claudette, la bande dessinée met en avant la récupération du mouvement des droits civiques par les hommes, alors que ce sont les femmes qui ont mené les actions de résistance concrètes sur le terrain. Même Rosa Parks est vite reléguée au rang de figurante dans le mouvement antiségrégationniste, alors que Martin Luther King prend la tête de la campagne de boycott contre la compagnie de bus.

Le dessin presque enfantin de Plateau, ses lignes « tremblantes », illustrent d’une certaine manière la vulnérabilité de Claudette. Une femme jeune, noire, et pauvre, dans un monde où tous ces qualificatifs sont source de mépris et de discrimination. L’usage d’une palette de couleurs qui contraste le noir et blanc de la ville aux teintes marron-beige de la communauté afro-américaine renforce par ailleurs l’impression d’une société dans laquelle la chaleur des relations humaines se heurte à un système d’oppression et de rejet de la différence.

Dès les premières pages, à travers un effet d’entonnoir, on passe d’une vision aérienne de la région de la Cotton Belt à un zoom sur la ville de Montgomery, avant de s’immiscer dans la peau de Claudette. L’utilisation de la deuxième personne (« vous ») dans la narration est par ailleurs intéressante car elle interpelle directement le lecteur, nous faisant ressentir le poids des injustices subies par la jeune fille :

Désormais, vous êtes noir. Un noir de l’Alabama. Dans les années 1950.

Mais si l’indignation ressentie à la lecture du destin de Claudette est réelle, Noire ne peut pas être réduite à une bande dessinée militante. Il s’agit d’un récit informé par les faits et raconté avec compassion et recul, grâce notamment à une petite annexe historique rédigée par Tania de Montaigne. Un ouvrage accessible et nécessaire pour ne pas oublier les nombreuses « Claudettes » qui se sont battues pour leurs droits – nos droits – au risque de sacrifier leur bonheur personnel.

Article original écrit pour Le Suricate Magazine

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.