Louisiana, la couleur du sang est une nouvelle bande dessinée historique qui explore l’histoire sombre et violente de l’esclavage dans les plantations du Sud-Est des États-Unis. Le tome 1 de la bande dessinée met l’accent sur le sort particulièrement cruel des femmes esclaves, maltraitées à la fois en raison de la couleur de leur peau et de leur sexe.
Des secrets de famille inavouables
Dans la Nouvelle Orléans du début des années 1960, une grand-mère se souvient de l’histoire de sa famille, propriétaire de plantations de génération en génération depuis le début XIXe siècle. Mal à l’aise avec certains de ses souvenirs qui évoquent le passé esclavagiste de la Louisiane, elle peine à trouver les mots pour répondre aux questions de ses filles et petites filles. Elle choisit alors de se confier à sa bonne.
Le premier tome de Louisiana, la couleur du sang est ainsi consacré à la première génération de planteurs, au début du XIXe siècle. Dans ce monde d’hommes raciste, misogyne et violent, les femmes oscillent entre la résignation, la révolte et la fuite. Si les esclaves, régulièrement abusées sexuellement par leurs « maîtres » blancs, sont les plus maltraitées, rares sont les femmes blanches qui échappent au sadisme et au mépris des hommes.
Une violence raciste mais aussi sexuée
Le scénario de Léa Chrétien a l’avantage de mettre en avant un bel exemple de solidarité féminine, à travers la relation entre une fille de planteur et une ancienne esclave affranchie. Son approche est toutefois un peu trop manichéenne. Les hommes blancs sont tous présentés comme des monstres, et leurs femmes comme des victimes. En réalité, les femmes de planteurs étaient souvent tout aussi actives que les hommes dans la perpétration d’un système d’oppression fondé sur des préjugés racistes. Les hommes esclaves sont, quant à eux, quasiment absents du récit.
La tonalité des dialogues est parfois un peu trop directe et « moderne » pour l’époque (notamment les conversations entre mari et femme), mais leur contenu permet de comprendre les modes de pensée alors dominants. Louisiana, la couleur du sang montre notamment comment le puritanisme religieux s’accommode des abus sexuels sur les femmes esclaves. Puisque celles-ci sont considérées comme des objets, propriétés de leurs maîtres, leur viol par des hommes mariés ne saurait constituer un « péché »…
Un récit dense et dynamique
Influencé par les grands maîtres du réalisme en bande dessinée comme Jean Giraud et Hermann, Gontran Toussaint illustre le climat de tension et de peur permanente qui règne dans les plantations au moyen de contrastes très marqués entre couleurs chaudes et couleurs froides. La ville de la Nouvelle-Orléans, dans laquelle certains hommes et femmes de couleur peuvent circuler librement, apparaît ainsi comme un refuge et une lueur d’espoir face à l’atmosphère toxique et étouffante qui règne dans les plantations.
En à peine plus d’une cinquantaine de pages, Léa Chrétien parvient à offrir un récit dense et dynamique qui maintient l’intérêt du lecteur du début à la fin. Les dernières bulles suggèrent d’ailleurs une suite intéressante. La Guerre de Sécession fait rage et l’esclavage est plus que jamais un sujet brûlant dans la société américaine… Vivement le tome 2 !
Article original écrit pour Le Suricate Magazine