Le peintre hors-la-loi est une bande dessinée historique qui redonne vie à un peintre paysagiste méconnu, Lazare Bruandet (1755-1804). Même si l’on sait peu de choses sur cet anticonformiste, sa vie privée semble avoir été aussi chaotique que les événements révolutionnaires dont il a été témoin !
Un épisode doublement sanglant
Loin d’être une biographie romancée, Le peintre hors-la-loi s’intéresse à un épisode précis de la vie de Bruandet. En 1793, alors que Paris est secouée par la Terreur révolutionnaire, on sait que le peintre a fui la capitale pour échapper à la police après avoir tué sa femme qu’il soupçonnait d’infidélité. La bande dessinée commence ainsi par la décapitation de Louis XVI, créant un parallèle entre la violence politique qui secoue le pays et la violence « privée » du personnage.
Un artiste rebelle indifférent à la postérité
Bruandet se réfugie chez des moines dans la forêt de Fontainebleau et se met à peindre la nature environnante. Les tonalités vertes et brunes sont ainsi très présentes dans les illustrations de Frantz Duchazeau. Alors que des cascades de traits noirs sont utilisées à profusion pour créer des zones d’ombres, certains personnages semblent à peine esquissés, comme inachevés. Peut-être un moyen de souligner la déshumanisation qu’engendre la violence ? Ou peut-être que Duchazeau, comme son personnage, pense que « souvent un simple croquis est plus ressemblant qu’un portrait » ?
L’amitié de Bruandet avec le peintre Bertaux, qui l’aide à s’enfuir, offre une occasion pour l’auteur d’évoquer la vision de l’art des deux hommes. Les scènes de dialogues soulignent la recherche de vérité de Bruandet et son indifférence quant à la postérité de son œuvre. Une attitude qui le distingue de nombreux autres peintres révolutionnaires comme Jacques-Louis David et qui explique peut-être que ses toiles soient aujourd’hui si peu connues.
Un homme irascible
Mais Le peintre hors-la-loi met surtout en avant l’homme irascible et violent derrière l’artiste. Meurtrier, lâche, imprévisible, violent et ivrogne à ses heures, Bruandet est présenté comme un homme en rupture, désillusionné par la Révolution. Duchazeau le représente avec un visage terrifiant : des joues creuses, des yeux exorbités et une peau marquée de griffures, comme si une forme de sauvagerie s’était emparée de lui.
S’il est donc difficile de ressentir une quelconque empathie avec le personnage, quelques flashbacks évoquant un traumatisme d’enfance permettent au lecteur d’imaginer ce qui a pu causer tant de violence chez cet homme. Cet aspect psychologique de la BD est d’ailleurs assez réussi et reste relativement subtil. Au final, Le peintre hors-la-loi est un roman graphique plutôt sombre qui dresse le portrait d’un homme atypique tout en offrant un point de vue original sur la période révolutionnaire.
Article original publié pour Le Suricate Magazine