La solution pacifique est une bande dessinée historique qui s’invite dans les coulisses des Accords de Matignon. Signés en 1988 sous l’égide du Premier ministre français Michel Rocard, ces accords ont permis de mettre fin à l’escalade de la violence entre Kanaks (autochtones) et Caldoches (descendants des colons européens) en Nouvelle-Calédonie. Alors qu’un troisième référendum sur l’indépendance de cette collectivité française est prévu le 12 décembre 2021, voici une bonne occasion de replacer ce vote dans son contexte historique.
Un territoire complexe mal compris par la métropole
Pour comprendre les tensions entre Kanaks et Caldoches, il faut remonter aux premiers contacts entre autochtones et Européens à la fin du XVIIIe siècle puis à la colonisation française au XIXe siècle, et enfin à l’immigration de populations asiatiques pour travailler dans les mines de nickel jusqu’au XXe siècle. Kanaks, Caldoches, Mélanésiens, Broussards… la terminologie peut être déroutante pour ceux qui comme moi connaissent mal cette région du monde. Pour ma part, j’ai choisi de lire la postface avant de commencer la BD, ce qui m’a permis de me cerner les grandes étapes et les principaux acteurs de l’histoire complexe de la Nouvelle-Calédonie.
Au cœur du ressentiment de nombreux Kanaks contre la France se trouve un manque de reconnaissance de leur identité et manque de compréhension de leur culture. En choisissant d’adopter le point de vue de Christian Kozar, un sous-préfet ayant vécu trois ans en Nouvelle-Calédonie avant de jouer un rôle de négociateur, les scénaristes permettent au lecteur de s’identifier à un personnage qui, malgré son rôle de représentant de la métropole, porte un regard critique sur les deux camps en présence.
L’importance des relations interpersonnelle dans les négociations de paix
Ce choix permet aussi de rendre le récit des négociations diplomatiques plus humain et plus personnel. L’un des objectifs de La solution pacifique est en effet de donner à voir la « méthode Rocard » qui a fait le succès de ces négociations de paix pourtant périlleuses : une méthode basée sur l’écoute et sur un groupe d’émissaires indépendants représentant une diversité de points de vue. On notera par ailleurs que les femmes sont complètement absentes de la BD, à part quelques mentions très rapides d’épouses ou de veuves dont le rôle dans les négociations se limite à représenter un mâle décédé ou absent.
Un constat qui rappelle que la reconnaissance par la société calédonienne de sa diversité ne sera pas complète tant que les dimensions autres que l’origine ethnique ou religieuse (les parties en présence se répartissent entre catholiques et protestants) seront ignorées…
J’ai aimé…
- Les nombreuses citations (notamment d’hommes politiques français) dont sont truffés les dialogues, qui permettent de prendre du recul dans des situations tendues.
J’aurais aimé…
- des illustrations en couleur. La bichromie noir et blanc, qui ne me pèse pas dans certains albums, m’a paru un peu tristounette ici.
Merci aux éditions Delcourt / Encrages de m’avoir permis de lire ce livre avant sa publication officielle le 18 août 2021.