La nuit des béguines est un roman historique d’Aline Kiner publié en 2017 (deux ans avant la mort de l’autrice). Inspiré par l’histoire vraie du béguinage de Paris, aujourd’hui disparu, l’ouvrage plonge le lecteur au cœur de ces communautés féminines uniques au Moyen Âge. Un très beau récit de solidarité féminine avec pour trame de fond la lutte contre l’obscurantisme religieux.
Un havre de paix au cœur de Paris
L’intrigue commence en 1310, alors que le béguinage de Paris, créé dans le quartier du Marais sous le patronage de Saint-Louis, continue de bénéficier de la protection royale sous Philippe Le Bel. Comme dans le Nord de l’Europe, ce lieu rassemble des femmes désireuses de vivre de manière pieuse et autonome au sein d’une communauté de femmes semblables à elles, qu’elles soient célibataires, mariées ou veuves. Ni religieuses ni laïques, elles vivent dans de petites maisons individuelles autour d’une cour avec un jardin médicinal et un potager. Certaines travaillent en ville, tandis que d’autres s’occupent exclusivement de l’entretien du béguinage et de ses activités charitables.
Le roi a voulu le grand béguinage pour accueillir de pieuses dames. Tant de femmes se retrouvent seules. Des épouses de chevaliers condamnées au veuvage par les croisades et les guerres privées, des jeunes filles nobles qui ne peuvent se marier ni entrer dans de dispendieux monastères faute de dot.
L’arrivée d’une jeune fuyarde, Maheut la Rousse, créé des remous au sein de la paisible communauté de béguines, dirigée par la vieille Ysabel. Le béguinage peut-il légitimement protéger une femme ayant fui un mariage forcé ? Cela ne risque-t-il pas de mettre en danger la communauté, alors que le pouvoir royal pourchasse l’Ordre des Templiers et qu’une béguine de Valenciennes, Marguerite Porete, vient d’être brûlée vive Place de Grève pour avoir publié un ouvrage mystique sur l’Amour divin, Le Miroir des âmes simples ?
Une communauté menacée
Aux destins individuels d’Ysabel, de Maheut et d’Ade se mêlent des conflits politiques et religieux plus larges. Dès le XIVe siècle, le statut des béguines, jusque-là protégé, est menacé par l’hostilité des Dominicains et du Pape. Si le point de vue adopté est principalement celui de la vieille Ysabel, dont la priorité est de préserver l’indépendance du béguinage, on s’attache aussi rapidement aux autres personnages et on se prend à redouter l’intervention du Pape et de l’Inquisition.
Un bon roman historique qui donnent envie de (re)visiter les béguinages qui, contrairement à celui de Paris, ont été préservés.
J’ai aimé…
- la psychologie subtile des personnages d’Ysabel, d’Ade et d’ Humbert.
- la façon dont le contexte politique et religieux est décrit en lien avec les activités du béguinage.
- les descriptions du Paris médiéval, très vivantes.
J’ai moins aimé…
- le personnage de Maheut, auquel j’ai eu du mal à m’attacher car son monde intérieur reste assez obscur.
- le dernier quart du roman, au rythme un peu trop lent à mon goût.