La bête du Tuitenberg est un roman historique de Bruno Brel qui met en scène le peintre Bruegel au temps de la « terreur espagnole ». Alors que la noblesse locale, avec le soutien de la paysannerie, s’oppose à la politique répressive des Habsbourg, un complot mystérieux semble se tramer au manoir du Tuitenberg…
L’arrivée du Duc d’Albe à Bruxelles en 1567 marque le début d’une période trouble pour la Belgique. La couronne espagnole lance une politique de répression sévère contre les protestants et autres « hérétiques », mais aussi contre tous ceux qui contestent la politique qu’elle mène sur le territoire des Pays-Bas du Sud (l’actuelle Belgique).
C’est cette période troublée qui forme la trame de fond de La bête du Tuitenberg, le dernier roman de Bruno Brel. La bonne idée de l’auteur est de raconter les premiers temps de la révolte contre le pouvoir en place du point de vue du peintre Pieter Bruegel (orthographié Breughel dans le roman). L’artiste est alors déjà reconnu par ses pairs. Résidant à Bruxelles avec sa femme et ses enfants, il est engagé par le baron Stefaan Van Kiekebich (un personnage fictif) pour réaliser son portrait.
Bruegel est intrigué par le personnage du baron et par la relation particulière qu’il entretient avec ses gens. Il comprend petit à petit qu’une révolte secrète se trame dans la campagne brabançonne (le Pajottenland), sans toutefois en saisir les tenants et les aboutissants.
J’ai aimé…
- La façon dont l’auteur parvient à nous faire voyager dans le temps en offrant un décor historique crédible et bien documenté ;
- Les personnages. Attachants, ils révèlent une psychologie assez complexe, ce qui les rend intéressants ;
- L’ambiance mystérieuse, annoncée par l’image de couverture, qui maintient le lecteur en haleine tout au long du roman. L’identification avec le personnage de Bruegel fonctionne bien et renforce le suspense.
J’ai moins aimé…
- Le premier chapitre, un peu déroutant car raconté sans point de vue très clair (le personnage principal, Pieter Bruegel, n’entre en scène que dans le deuxième chapitre) ;
- La façon dont Bruegel est décrit comme un artiste hostile à la noblesse, défenseur des droits des paysans. Cette vision, qui fonctionne dans le cadre du roman, est contestée par certains experts. Pour eux, les peintures de Bruegel offrent au contraire une vision assez critique voire négative de la paysannerie. Elles montrent souvent les « gueux » dans des situations ou des comportements alors considérés comme immoraux, de l’ivresse à la luxure en passant par la paresse. Le roman aurait peut-être pu offrir un peu plus de nuances quant à cet aspect de la personnalité du peintre, étant donné l’incertitude historique.
- La vision un peu « old school » de l’histoire belge offerte par le récit. Le terme d’ « occupation » par exemple, utilisé plusieurs fois dans les dialogues pour désigner la monarchie espagnole, est en réalité anachronique. En effet, la révolte de la noblesse et des gueux contre le pouvoir en place visait les mesures (notamment fiscales) et les méthodes (comme la répression armée) employées, sans pour autant contester la légitimité des Habsbourg. La postface, qui évoque « ce peuple courageux (…) résistant aux troupes romaines de Jules César », renforce encore plus cette impression d’un récit réécrit par la postérité pour créer un « mythe national ».
Au final, La bête du Tuitenberg est livre très agréable à lire pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de Bruxelles et de la Belgique. Dommage que les éditions Lamiroy ne propose pas le livre au format EPUB. À noter que le livre a été également publié en bruxellois sous le titre La biest du Tuitenberg !
Merci aux éditions Lamiroy de m’avoir permis de lire ce livre peu après sa publication officielle le 1er octobre 2019.
Légende de la photo d’en-tête : Statue représentant les comtes d’Egmont et de Hornes par Charles-Auguste Fraikin, Petit Sablon, Bruxelles.
Détail d’une photographie de Ad Meskens, 16 mars 2019 (CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons)