L’Écarlate de Venise est un roman policier historique situé dans la Venise du milieu du XVIIIe siècle. L’ouvrage a rencontré un certain succès lors de sa publication en Italie en 2015, ce qui explique sa traduction en français par Amazon Publishing. Ses quelques 330 pages se lisent facilement : l’entrée en matière est rapide, les dialogues sont efficaces et les chapitres plutôt bien rythmés.
Maria Luisa Minarelli, titulaire d’un doctorat en Histoire, explique s’être inspirée des Mémoires de Casanova pour décrire les détails de la vie quotidienne à Venise en dans les années 1750. Elle parvient à créer une ambiance très particulière, dans cette ville où l’on se déplace en gondoles et où les aristocrates déchus (les « barnabotti ») ont à peine de quoi se vêtir correctement mais continuent à siéger au Conseil suprême, quand ils ne passent pas la soirée au casino. En ce mois de décembre 1752 (l’action principale se déroule l’espace de quelques jours), Venise est en effet une ville en déclin :
Depuis que la découverte de l’Amérique avait déplacé le commerce maritime vers l’Atlantique en favorisant les flottes des pays riverains, la Sérénissime avait entamé son déclin. La paix de 1718 avait signifié pour Venise la perte de la Morée ; et l’Autriche, une puissance émergente qui exerçait une concurrence sans pitié depuis le port de Trieste, lui disputait même sa suprématie sur l’Adriatique. (Chapitre 5)
[Marco] était conscient d’admirer une ville à son crépuscule, une ville dont la beauté brisait le cœur. Les anciens palais aux dentelles de marbre et aux enduits fissurés, les fondations qui s’enfoncent et celles que les eaux envahissent… combien de temps tout cela résisterait-il ? Marco savait que l’intérieur de ces demeures tombait en ruines, que les tapisseries se décoloraient inexorablement, que les tableaux de maîtres prenaient le chemin de l’Angleterre. (Chapitre 11)
C’est dans ce contexte de pauvreté grandissante que Marco Pisani, advocateur, c’est-à-dire procureur de la ville de Venise, enquête sur trois morts successives qui mettent la ville en émoi. Sa recherche de la vérité le mène sur les pas de Chiara, une belle marchande dont les dons de voyance se révèlent utiles pour faire avancer l’enquête.
Si les personnages sont globalement attachants, l’utilisation de points de vue multiples (même en ce qui concerne le chat du personnage principal !) enlève un peu de suspense car le lecteur sait toujours ce que pense chacun des personnages, y compris les suspects interrogés par Pisani. Plus généralement, l’auteure prend son lecteur par la main à chaque étape. Si vous êtes, comme moi, du genre à vous perdre dans les personnages et les différentes péripéties d’une enquête, vous apprécierez les annexes explicatives et les récapitulatifs des éléments de l’enquête au fur et à mesure du récit. Si par contre vous aimez le suspense insoutenable et les intrigues policières complexes, vous serez vraisemblablement déçu-e et risquez de trouver les répétitions ennuyeuses.
Quant à la romance, elle est un peu trop « parfaite » pour former une intrigue parallèle à l’enquête policière (coup de foudre simultané et pas de réels obstacles/péripéties), mais je dois avouer qu’elle rend la lecture plus plaisante, faisant de L’Écarlate de Venise un bon divertissement pour les soirs d’hiver.
J’ai aimé…
- La façon dont l’auteure resuscite la ville du XVIIIe siècle et évoque les relations entre aristocrates déchus, bourgeois, marchands, officiers publics et domestiques
- Le côté très didactique, avec la liste de personnages, le glossaire des termes vénitiens, et les récapitulatifs au fur et à mesure de l’enquête
J’aurais aimé…
- Moins de points de vue différents, pour ménager un peu plus de suspense
- Une romance un peu moins « parfaite »
Je remercie NetGalley et Amazon Publishing de m’avoir permis de lire cet ouvrage avant sa parution officielle en français. Déjà disponible en précommande sur Amazon, le livre sera distribué en France et en Belgique à partir du 6 février 2018. Patience !