L’été des quatre rois est un roman historique sur l’abdication forcée de Charles X du trône de France en 1830 suite à la Révolution de juillet (les « Trois glorieuses »). Celui-ci est alors remplacé par son cousin Louis-Philippe, soutenu par les Libéraux. Camille Pascal, agrégé d’histoire et haut fonctionnaire français, fait le choix de raconter en détail cette période trouble et pleine d’incertitude pendant laquelle un nouveau régime se dessine. Choqué par des ordonnances royales qui restreignent la liberté de la presse, le peuple de Paris se soulève. Il met en défaite l’armée royale, ouvrant la voie à un régime de monarchie constitutionnelle plus libéral. En l’espace de quelques jours, la France oscille entre « quatre rois » : Charles X, attaché à une vision absolutiste de la monarchie, son fils Louis-Antoine, héritier du trône, son petit-fils Henri, et enfin Louis-Philippe, le cousin de la branche cadette des Bourbons. C’est finalement ce dernier qui s’impose, forçant Charles X et les siens à s’exiler en Angleterre.
Du point de vue de la véracité historique, L’été des quatre rois est un ouvrage remarquable. L’auteur s’appuie sur une bibliographie conséquente et s’inspire des témoignages de contemporains pour ses dialogues. Il truffe son récit de nombreux détails intéressants sur la vie quotidienne de la Cour et du peuple dans la France de 1830. On apprend par exemple que l’étiquette interdisait au roi de manger à une table ronde ou que les femmes voyageant en calèche utilisaient un « tuyau d’aisance » pour soulager leur vessie le long du parcours sans devoir se montrer.
La reconstitution minutieuse des événements, et notamment des débats entre dignitaires politiques à Paris, montre à quel point l’issue de la crise aurait pu être différente, et comment de nombreux contemporains ont mal jaugé la situation. L’entêtement de Charles X et de son entourage, attachés à une vision dépassée de la monarchie, est pour beaucoup dans la chute du régime. Pascal n’est pas tendre dans sa description de la famille royale. L’ironie avec laquelle il décrit ses membres et l’étiquette qui les entoure en fait des personnages désuets et ridicules. Ainsi Charles X apparaît comme un vieillard sourd et presque sénile, tandis que son fils le duc d’Angoulême est présenté comme un dégénéré :
Le regard du roi suffit pourtant à faire cesser tout tremblement et à figer la physionomie du prince dans cet air de stupidité qu’aucun peintre officiel ne parvenait à effacer tout à fait. De fait, jamais son fils aîné ne parut aussi idiot à son père que ce matin-là.
Le roman souligne par ailleurs le rôle déterminant joué par Adolphe Thiers dans l’accession au trône de Louis-Philippe. Face à Lafayette et Talleyrand, celui-ci représente nouvelle génération de décideurs politiques pour qui le mérite doit l’emporter sur la naissance :
Thiers savait maintenant qu’il pouvait gagner la partie qui se jouait depuis quatre jours et sur laquelle il avait misé toute sa vie. À ses yeux, le pacte avec les Orléans était scellé. Il suffisait désormais de prendre de vitesse les barbons qui, au palais du Luxembourg, tentaient de sauver la couronne de Charles X et les jeunes fous qui, à l’Hôtel de Ville, rêvaient tout éveillés d’une Seconde République. Les premiers avaient un demi-siècle de retard, les autres peut-être un demi-siècle d’avance et, seul à avoir compris où devait s’arrêter en cet instant le balancier de l’Histoire, il comptait bien en devenir le grand horloger.
Du point de vue de l’intrigue romanesque, L’été des quatre rois est un peu moins réussi. L’auteur reconstitue avec moult détails les différentes étapes de la retraite de Charles X jusqu’à son exil en Angleterre, au détriment des événements parisiens, pourtant bien plus exaltants. La multiplication des personnages rend la lecture parfois un peu fastidieuse, d’autant plus que ceux-ci sont souvent décrits par leur titre de noblesse plutôt que par leur nom, comme c’était alors l’usage. Les grands écrivains de la période sont tous cités (Stendhal, Hugo, Dumas, Chateaubriand, de Vigny…) mais sans qu’on ait le temps de s’attacher à aucun, ce qui donne un peu une impression de name dropping. L’utilisation de points de vues multiples par un narrateur omniscient ne facilite par l’identification avec les personnages et, à part la comtesse de Boigne, les personnages féminins manquent de relief.
Malgré ses plus de 600 pages, L’été des quatre rois est une lecture plaisante et informative pour tous ceux qui s’intéresse à cette période de l’histoire de France. Un roman qui donne envie d’en lire d’autres, par exemple pour mieux comprendre la façon dont les événements ont été vécus par les classes populaires et la bourgeoisie.
J’ai aimé…
- La reconstitution des « coulisses » de la révolution de juillet 1830, qui offre un point de vue original sur les évènements ;
- La description de la prise des Tuileries par les insurgés, racontée de manière vivide ;
- L’insistance sur le traumatisme de 1789, alors présent dans les esprits de nombreux contemporains, et le lien fait entre la faiblesse de l’armée française pendant les journées de juillet 1830 et la conquête d’Alger au même moment ;
- L’intégration réussie de nombreuses anecdotes et détails historiques dans le récit.
J’aurais aimé…
- Un rééquilibrage des récits entre Charles X et Louis-Philippe, en faveur de ce dernier ;
- Un nombre plus limité de points de vue pour pouvoir mieux s’identifier aux personnages, par exemple en suivant de manière un peu plus régulière Marmont et la comtesse de Boigne.
Vidéo bonus
Merci aux éditions PLON de m’avoir permis de lire ce livre avant sa publication officielle le 30 août 2018.