Originaire de Clermont-Ferrand et à présent installé à Bourges, Michel Labonne a effectué de nombreux métiers et enseigné plusieurs matières, dont l’histoire, les lettres et la philosophie. Dans cet entretien, il nous parle de son roman biographique sur Vauban (1633-1707), Le vagabond du roi.
On connaît Vauban pour ses fortifications. Mais qui était-il vraiment ? Un architecte ? Un homme d’armes ?
Oui mais pas seulement… Il est vrai que Vauban a été un grand architecte militaire. Pour écrire sur Vauban, il m’a fallu sillonner la France de Collioure à la Bretagne et du Morvan jusqu’à l’Est et le Nord du pays, me documenter également largement sur ses tactiques militaires. Mais on oublie aussi qu’en plus de la construction de forts ou de citadelles, Sébastien Le Prestre de Vauban a accompli une œuvre civile considérable : en tant qu’écrivain essayiste, statisticien, hydraulicien, urbaniste, ingénieur… Il a été un politique avisé et visionnaire, un serviteur du roi qu’il a toujours conseillé au mieux mais toujours dans l’intérêt de son pays et du peuple.
Un politique avisé et visionnaire ?
Tout à fait. C’est un cœur généreux qui veut tout prévoir : l’habitat des hommes, leurs ressources aussi bien alimentaires que financières, un impôt plus juste… Sa volonté de servir le peuple se constate dans un seul exemple : la basterne. Il s’agit d’n moyen de locomotion : un cabinet de travail porté par deux mules qui permettait à Vauban d’écrire tout en voyageant, en évitant les cahots de la route. Mais c’est aussi un moyen d’observer lentement le peuple de tout comprendre de ses aspirations et de ses besoins. Quel politique aujourd’hui a la volonté d’observer vraiment le peuple pour répondre à ses besoins ?
Et le militaire dans tout cela ?
Visionnaire lui aussi… Vauban prévoit la tactique pour éviter le sang. Pour le royaume, il prévoit « le pré carré » : cette ceinture de citadelles aux frontières, mais également une solide défense maritime des ports, de l’embouchure des fleuves, des sites stratégiques. Avec des ouvrages militaires adaptés à la défense contre l’artillerie de l’époque, il va œuvrer pour défendre le royaume. Mais il est également poliorcète, c’est-à-dire qu’il dirige plusieurs sièges de villes. Louis XIV lui doit plusieurs victoires comme Maastricht (siège de la ville) ou Camaret (débarquement des anglais et hollandais repoussé).
Pouvez-vous nous expliquer ce qui fait de Vauban un « vagabond » ?
C’est ainsi qu’il aimait se qualifier lui-même. Pourquoi ? Il a toujours été sur les routes pour servir le roi et le royaume. Il est aux quatre coins du royaume pour cause de construction, de guerre ou de visite d’inspection. Toujours sur les routes, il ne peut que rarement rentrer dans le Morvan qu’il aime tant : il ne voit que peu sa femme et ses enfants.
Difficile d’évoquer Vauban sans sa relation avec Louis XIV. A-t-il toujours été un serviteur loyal ou s’est-il parfois opposé à la politique du Roi Soleil ?
On s’imagine peu à quel point Louis XIV l’écoute et le met en avant. C’est d’ailleurs quand le roi ne l’écoute pas que les erreurs s’accumulent. Exemple : Vauban fait un rapport complet pour le rappel des huguenots, il est contre la révocation de l’édit de Nantes. Le roi ne l’écoute malheureusement pas. Ou encore, Vauban veut réformer l’impôt : un impôt unique, payable par tous, facile à prélever. Là encore, son livre restera lettre morte. Pourtant, la France de l’époque aurait bien eu besoin d’un tel impôt.
Pour conclure je laisserai la parole à Voltaire qui disait de Vauban qu’il était « le premier des ingénieurs et le meilleur des citoyens ».