J’avoue avoir un petit faible pour les romans historiques consacrés à la Révolution française. Après l’excellent Le dernier bain de Gwenaële Robert, Dans la tête de mon maître de Béatrice Fontanel plonge lui aussi le lecteur au cœur de la Terreur révolutionnaire à Paris.
Cette fois, ce n’est pas l’ombre de Marat mais celle de Lavoisier (1743-1794) qui plane sur le récit. À l’aube de la Révolution de 1789, celui-ci est un scientifique reconnu et respecté par ses pairs :
La terre et les minéraux l’avaient tout d’abord passionné, puis ce fut l’eau, sa densité, ses effets dans la nature, son utilisation en ville, enfin ce fut un troisième élément, l’air, qui allait devenir son obsession pour plusieurs années, la chimie des gaz, la chimie pneumatique.
Malgré ses ascendances nobles, Lavoisier se met dans un premier temps au service du gouvernement révolutionnaire, participant entre autres au développement d’un système uniformisé de poids et mesures. Les scientifiques ne sont toutefois pas à l’abri des soubresauts politiques et la menace approche à mesure que le régime se radicalise…
Le narrateur et personnage principal, Balthazar, est engagé comme domestique par Lavoisier peu avant la Révolution. Vouant une admiration sans borne à son maître, il s’étonne et s’inquiète du contraste entre le monde policé des scientifiques et la montée inexorable de la violence révolutionnaire. L’intérêt du roman est de donner à voir la Révolution de son point de vue de domestique : à la fois homme du peuple et ayant accès au monde des privilégiés.
Dès les premières pages, le décor est campé. Écrivant ses mémoires à la première personne, Balthazar interpelle directement le lecteur, sur le ton de la confidence. Cela crée immédiatement une forte empathie avec son personnage. Dans la tête de mon maître est par ailleurs truffé d’anecdotes intéressantes – et véridiques – sur la Révolution. On apprend ainsi beaucoup de choses sur les progrès scientifiques de l’époque : montgolfières, télégraphe, théorie de la combustion… mais aussi sur la vie quotidienne (les visites domiciliaires, l’obligation de porter la cocarde…).
Si j’ai personnellement pris beaucoup de plaisir à cette lecture, je dois reconnaître que l’intrigue principale (les évènements qui affectent Balthazar et ses proches) ne m’a pas marquée autant que l’ambiance, le style et le côté informatif du récit. Parmi l’une de mes citations préférées :
C’était un temps où les majuscules proliféraient : le Peuple, la Liberté, la Fraternité, la Révolution, La République, l’Homme… et plus les majuscules se multipliaient, moins les individus comptaient, c’était inversement proportionnel.
J’ai aimé…
- le style de l’autrice. Béatrice Fontanel a le sens de la formule et le sens de l’humour. Ses descriptions du Paris révolutionnaire sont à la fois informatives et très vivantes.
- Les nombreuses anecdotes intéressantes sur la période révolutionnaire, comme par exemple le fait que certaines petites filles furent baptisées « Télégraphine » suite à l’engouement généré par le télégraphe, ou encore le débat sur la vivisection.
- La mention des femmes engagées dans le monde scientifique et souvent oubliées aujourd’hui, telles la chimiste Claudine Picardet et l’astronome Marie-Jeanne lalande.
J’aurais aimé…
- des descriptions de débats parlementaires un peu moins longues, avec malgré tout un peu plus d’éléments de contexte sur les orateurs.
Merci à NetGalley et aux éditions Stock de m’avoir permis de lire ce livre peu après sa publication officielle le 8 janvier 2020.