Portrait de Prudence Crandall par Francis Alexander en 1834.

Blanc autour, les héroïnes oubliées du combat pour l’éducation des Noirs

Couverture de la BD « Blanc Autour » (Dargaud, 2021)

Le nom de Prudence Crandall vous dit-il quelque chose ? Peut-être pas, et pourtant cette femme a eu le courage d’ouvrir son école aux jeunes filles noires dans l’Amérique des années 1830, encore largement esclavagiste. Blanc Autour rend hommage à cette femme insultée, menacée et harcelée pour avoir simplement voulu transmettre le plaisir d’apprendre.

Une histoire inspirée de faits réels

En 1832, Prudence Crandall est une jeune institutrice de 29 ans qui vient d’acquérir une maison dans le Connecticut pour en faire une école-pensionnat. Peu après le lancement de son école, Sarah Harris, la fille d’un agriculteur noir des environs, lui demande le droit de participer aux leçons pour pouvoir ensuite enseigner à d’autres enfants afro-américains. Prudence accepte la jeune fille dans sa classe, créant un véritable choc dans la communauté locale. Cette expérience la rapproche du mouvement abolitionniste et la décide à recruter plus de jeunes filles noires dans son école. Mais la violence contre Prudence s’intensifie et les notables de la région parviennent à faire adopter une loi interdisant aux jeunes filles issues d’autres États de s’inscrire à l’école.

La solidarité féminine contre la peur

Pour traiter de ce sujet difficile et parfois violent, le dessinateur Stéphane Fert choisit un trait arrondi et des camaïeux de bleu, de rose et de brun, insufflant ainsi une impression de douceur presque onirique. Ce n’est d’ailleurs pas Prudence Crandall mais bien ses pensionnaires qui sont au centre du récit. La solidarité entre les jeunes filles, leur désir d’apprendre et de comprendre, les aident à résister à la violence des préjugés.

Un récit modernisé pour mieux faire écho aux préoccupations actuelles

Malgré une annexe historique très fouillée consacrée au destin de Crandall et de ses élèves, Blanc Autour a une résonnance remarquablement contemporaine. Les dialogues évoquent ainsi la « dé-racisation » des esprits, l’écriture de l’histoire par les groupes dominants, ou encore l’intersectionnalité entre la race et le genre. Des questions aujourd’hui au cœur des discussions sur les inégalités raciales mais évidemment assez éloignées de la façon dont le sujet était abordé à l’époque. Le parallèle entre l’ouverture de l’école et la révolte des esclaves menée par Nat Turner en 1831 est à cet égard très intéressant.

Pour finir, Blanc Autour offre un récit universel sur le courage des celles et ceux qui, même s’ils sont aujourd’hui largement oubliés de l’histoire, ont pris le risque de quitter leur statut de privilégié pour défendre une cause qu’ils estimaient juste, faisant ainsi bouger les lignes et préparant le terrain pour un changement des mentalités qu’on aimerait croire inéluctable. Un roman graphique très beau et très émouvant dont on reste imprégné plusieurs minutes après avoir fini la dernière page.

Vidéo bonus: L’auteur et le dessinateur parlent du pouvoir de la fiction historique

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