Adaptation du roman éponyme de l’écrivain flamand Jeroen Olyslaegers, Wil (« Trouble » pour la traduction française publiée en 2019) est un film historique qui dévoile les aspects les plus sombres de la collaboration à Anvers pendant la Seconde guerre mondiale. En suivant les traces d’un jeune policier impliqué à la fois dans la collaboration et la résistance à l’occupation nazie, le film assume une certaine ambiguïté morale tout en dénonçant la participation coupable des autorités locales aux rafles de juifs.
Vrai salaud ou simple opportuniste ?
Wilfried, dit « Wil », sort tout juste des études quand il est recruté par la police anversoise en 1942. La ville est alors sous occupation nazie. Soumis aux directives des soldats allemands, les policiers ont une marge de manœuvre limitée. Lors de sa formation, Wil se noue d’amitié avec Lode, le fils d’un boucher. Il s’aperçoit très vite que la famille de ce dernier est engagée dans la Résistance. Amoureux de la sœur de Lode, Yvette, Wil cherche à gagner leur confiance. Mais, de son côté, les relations familiales penchent plutôt du côté des collabos. Son mentor artistique, un antisémite notoire, l’introduit dans les cercles pronazis. Wil joue donc rapidement un double jeu. Porté par le désir de survivre à la guerre et de se faire une place au sein de la police, devra-t-il choisir un camp ?
Comme c’était le cas dans le roman, le film cultive délibérément une certaine ambiguïté autour du personnage de Wil. Taiseux, le jeune homme paraît d’abord influençable et craintif, mais il gagne peu à peu en assurance et fait preuve d’une violence grandissante. Cette évolution créé le malaise et empêche le spectateur de véritablement s’attacher au personnage. Wil cherche-t-il seulement à sauver sa peau ? Aide-t-il les résistants et les juifs par conviction, ou par intérêt ? L’interprétation de Stef Aerts, convaincant dans le rôle, contribue à faire de Wil un film complexe et intéressant.
La police complice
Au-delà du destin individuel de Wilfried, Wil lève le voile sur les heures noires de la collaboration à Anvers. Alors que les rafles étaient normalement orchestrées par les Allemands, les policiers anversois ont mené seuls la grande rafle d’août 1942, évoquée dans le film à travers une scène d’une grande violence. Alors que, dans le roman, le personnage de Lode offre un contrepoint intéressant à celui de Wil par son idéalisme, c’est le personnage d’Yvette qui prend le dessus dans le film. Si ce choix fonctionne bien et permet un dénouement cohérent quoique très différent du roman, on regrette quelques invraisemblances qui affaiblissent la tension dramatique de certaines scènes.
Concernant les aspects historiques, les reconstitutions des lieux clés sont plutôt réussies, même si, vraisemblablement pour des raisons de budget, ceux-ci sont limités en nombre par rapport au roman. En occultant le flashback qui, dans le roman, permet des allers-retours entre l’Anvers de 1942 et la ville d’aujourd’hui, et en limitant la voix off du narrateur à quelques mots en début et en fin de film, le scénariste Carl Joos a fait le choix de privilégier l’action et l’immersion du spectateur dans le passé. Il évite ainsi une intellectualisation du sujet et se concentre sur les actes plutôt que sur l’univers mental de Wil. Une approche qui fonctionne mais qui doit encourager ceux qui n’ont pas encore lu le roman à s’y plonger pour mieux comprendre la personnalité de ce héros antipathique. Avec, toujours, cette question lancinante : qu’aurais-je fais à la place de Wil ?
Article original publié dans le magazine Le Suricate