La bande dessinée Global Police offre un véritable voyage à travers le temps et l’espace pour comprendre le rôle de la police aujourd’hui. Chercheur universitaire spécialiste des questions policières et judiciaires en France et dans le monde, Fabien Jobard fait ici œuvre de pédagogie pour partager ses réflexions – souvent très critiques – sur l’usage de la force pour maintenir l’ordre public dans nos sociétés modernes.
Un point de vue historique pour mieux comprendre les liens entre police et société
Les émeutes populaires en France suite à la mort du jeune Nahel le 27 juin 2023 trouvent leurs racines dans un débat ancien sur les limites l’usage « légitime » de la force par l’État pour maintenir l’ordre et faire respecter la loi. Quand peut-on parler de violences policières ? Comment sortir du cercle vicieux violence-répression-représailles ? Global Police offre des pistes de réponse. L’introduction, qui met en scène les visions irréconciliables de deux frères, l’un policier et l’autre militant-manifestant, souligne à quel point il est difficile de dépassionner le débat.
Adopter une perspective historique permet en tout cas d’installer une certaine distance avec le sujet pour mieux comprendre comment nous sommes arrivés à faire de la police une institution aussi controversée aujourd’hui. Global Police montre par exemple que la police moderne est liée à l’urbanisation. « Fille de la ville », elle vise à maintenir les troubles – et souvent, la pauvreté – hors des quartiers bourgeois. De la « ronde des bourgeois » à Amsterdam au XVIIe siècle au massacre de Peterloo en 1819 à Manchester, elle est perçue par les classes populaires comme un vecteur d’oppression destiné à maintenir l’ordre social existant.
Des comparaisons internationales intéressantes
Au-delà de la perspective française, Global Police donne plusieurs exemples intéressants de la façon dont la même fonction de contrôle social est exercée par les polices en Amérique, en Afrique et en Asie. La police de proximité et ses liens ambigus avec les mafias locales, le rôle de l’uniforme, le pouvoir résultant de l’accès aux données sur les citoyens, la question du port d’armes, la défiance de la police envers le pouvoir politique… sont autant de questions qui trouvent des réponses diverses en fonction du contexte historique, économique, social et culturel.
Une perspective critique mais nuancée
Si les tonalités ocre et grisâtres des illustrations de Global Police donne à l’album un aspect un peu tristounet de premier abord, l’organisation en chapitres mêlant enquête journalistique et scénettes de fiction fonctionne très bien pour faire passer des messages complexes sans occulter la dimension humaine du sujet. La voix off fournit les éléments de contexte, tandis que les dialogues rendent le propos plus concret et plus vivant. Le résultat est une lecture stimulante qui fait tomber quelques idées reçus et donne envie de poursuivre le débat.
Article original publié dans Le Suricate Magazine