Rose de cendres est un roman historique de Pilar Rahola consacré à un épisode particulièrement violent de l’histoire de la Catalogne : la « Semaine tragique » du 26 juillet au 2 août 1909. Lors de ces journées de révolte populaire, la grève générale est déclarée et des barricades sont érigées dans les rues de Barcelone et dans de nombreuses villes alentours. Les émeutiers protestent contre l’envoi de troupes au Maroc alors que la guerre de Mélilla oppose la monarchie espagnole aux rebelles indépendantistes du Rif. Les familles modestes en particulier vivent comme une injustice le départ forcé de jeunes conscrits catalans alors que la guerre est perçue comme un moyen de préserver les intérêts de la haute bourgeoisie.
Les évènements sont relatés du point de vue d’une famille barcelonaise : les Corner. Ayant combattu comme simple soldat de l’armée espagnole lors de la première guerre d’indépendance de Cuba, le patriarche, Albert, a cru mourir plusieurs fois dans l’enfer des combats, avant de faire fortune à son retour en Espagne. Si la préservation de sa position sociale chèrement acquise est la principale préoccupation d’Albert, ses enfants, encore jeunes adultes, sont plus idéalistes : l’aîné milite au sein de Solidarité catalane, un mouvement réclamant plus d’autonomie par rapport à Madrid ; le benjamin s’engage dans le mouvement anarchiste, séduit par les théories du pédagogue Francesc Ferrer i Guàrdia, tandis que la cadette se rapproche peu à peu du mouvement féministe.
Publié en catalan en 2017, l’ouvrage a fait l’objet d’une traduction française fin 2018. Si le contexte historique est très riche et développé avec moult détails, cette qualité devient très vite un défaut à mesure que l’auteure intègre des pans entiers d’archives dans son récit, sans que cela soit toujours indispensable à l’intrigue. On frôle le name-dropping, qu’il s’agisse d’éléments architecturaux (les constructions en cours de Gaudí sont notamment évoquées), des figures historiques majeures de la période (la fille d’Albert Merceneta est amie avec l’artiste Lluïsa Vidal, son frère Enric avec Ferrer, etc.) ou encore des textes politiques évoquant la situation de la Catalogne (telles que les Bases de Manresa). On a parfois l’impression que les personnages sont un prétexte pour évoquer le contexte historique, et l’action ne débute véritablement que dans la deuxième partie du roman. Les premiers chapitres dédiés au personnage d’Albert et à son expérience traumatique lors de la guerre de Cuba auraient été passionnants si le style avait été moins appuyé et moins répétitif.
Au final, la lecture est assez laborieuse, l’intrigue romanesque étant trop souvent reléguée à l’arrière-plan. Pilar Rahola a effectué un travail de recherche impressionnant et certains de ses personnages sont attachants, mais on termine le roman avec l’impression d’une occasion manquée.
J’ai aimé…
- Le récit des combats lors de la semaine tragique : un épisode clé dans la mémoire collective des catalans, et en particulier des barcelonais ;
- Les personnages d’Aveli, d’Enric, de Merceneta, moins caricaturaux que leurs parents.
J’ai moins aimé…
- l’intégration des archives dans le récit, trop appuyée et pas toujours indispensable. Des passages entiers de journaux ou de documents officiels sont parfois cités pendant de longs paragraphes et on a l’impression que l’auteure étale ses recherches sur le contexte historique au lieu de ne retenir que les éléments vraiment utiles à l’intrigue ;
- le recours très fréquent aux monologues intérieurs et aux résumés narratifs, surtout dans les premiers chapitres, au détriment de l’action ;
- les style parfois trop lourd et répétitif, notamment en ce qui concerne les descriptions du personnage d’Albert.
Merci à NetGalley et aux éditions Belfond de m’avoir permis de lire ce livre au moment de sa publication officielle le 8 novembre 2018.