Le film historique Nahschuss (The Last Execution) de la réalisatrice allemande Franziska Stünkel vient de sortir en Belgique (il était sorti en Allemagne l’année dernière). Inspiré d’une histoire vraie, il plonge le spectateur dans le monde cauchemardesque des services secrets de la RDA dans les années 1970.
Un avenir prometteur
Le personnage principal du film, Franz Walter, est un universitaire est-allemand qui rêve d’obtenir une chaire de professeur. Alors que les places sont rares, on lui fait tout d’un coup miroiter la possibilité d’obtenir un poste dans un temps record, mais à une condition : qu’il travaille d’abord un an pour les services secrets extérieurs, la Hauptverwaltung A (HVA). Sa première mission consiste à espionner puis à rapatrier de force un footballeur professionnel célèbre ayant fuit la RDA pour l’Allemagne de l’Ouest. Mais Franz, bien que grisé par les nouveaux privilèges liés à sa fonction, est vite confronté à un dilemme moral : La fin justifie-t-elle les moyens ? Comment composer avec les méthodes utilisées par le HVA : chantage, mensonges, manipulations… allant parfois jusqu’au meurtre ?
Une belle performance d’acteur
Franz est incarné à l’écran par Lars Eidinger, que j’ai découvert dans la série Babylon Berlin. Même si l’acteur est un peu trop âgé pour le rôle, sa prestation donne toute sa force au film. Les gros plans à intervalles réguliers soulignent l’expressivité de son visage et révèlent petit à petit sa descente aux enfers. Le côté un peu ingénu du personnage le rend attachant, même si le passage de l’euphorie des premiers jours au sentiment de panique paranoïaque est tellement rapide qu’il entame un peu la vraisemblance des situations.
L’engrenage totalitaire
Nahschuss (The Last Execution) n’est certes pas aussi poignant que La Vie des Autres (Das Leben der Anderen), mais le film montre tout aussi bien comment la machine totalitaire broie les individus, s’immisçant jusque dans les recoins les plus intimes de leur vie privée. Mariage, famille, amis… Dans un régime fermé où règne en permanence la suspicion, toutes les relations interpersonnelles sont potentiellement suspectes. La relation de couple de Franz avec sa femme Corinna fera les frais de son engagement, d’une manière plus subtile – et plus cruelle – que ne le laissent anticiper les premières scènes.
L’issue du film est connue dès le début : Werner Teske, l’homme ayant inspiré le personnage de Franz, fut le dernier agent exécuté en RDA en 1981 après avoir été condamné à mort pour haute trahison. Si plusieurs critiques reprochent à la réalisatrice des maladresses au niveau du rythme du scénario, j’ai pour ma part trouvé qu’elle avait judicieusement dosé les flashbacks pour maintenir la tension dramatique, évitant une longue scène de procès à la fin du film tout en menant le récit jusqu’à sa conclusion glaçante. Un bon moment de cinéma donc !