Miss Davis est une magnifique bande dessinée biographique sur le parcours d’Angela Davis, icône afro-américaine et féministe des années 1960-1970. Un ouvrage riche et original tant du point de vue du scénario que du graphisme.
Une jeune femme rebelle à l’intelligence exceptionnelle
Avant de devenir une militante du mouvement afro-américain à la célébrité planétaire, Angela Davis était une jeune écolière brillante. Née à Birmingham, dans l’Alabama, elle se passionne pour la philosophie. Pour raconter ces années de formation, la bonne idée de la scénariste Sibylle Titeux de la Croix est d’adopter le point de vue de l’une des amies d’enfance d’Angela, Cynthia Morris Wesley. En plus de souligner le parcours relativement privilégié d’Angela par rapport à ses camardes d’école (elle étudie à New York puis en Europe), ce procédé permet de créer une forte émotion.
Le premier chapitre sert par ailleurs d’introduction pour mieux comprendre la violence de la haine raciale et le sentiment de menace permanent ressenti par chacune des deux communautés – noire et blanche – dans une société sudiste où la ségrégation est encore de mise et où sévit le Ku Klux Klan.
Féminisme, communisme et Black Power
Les chapitres suivants s’intéressent aux années de militantisme d’Angela Davis. Séduite par l’existentialisme français, le marxisme et le féminisme, elle rejoint pendant ses études le mouvement de libération des Noirs et adopte un positionnement radical, quoique rejetant le séparatisme. Elle devient alors une figure clé du Black Panther Party et s’engage dans les luttes emblématiques de l’époque comme la défense des Soledad Brothers, trois détenus noirs-américains accusés d’avoir assassiné un gardien de prison.
Miss Davis va bien au-delà du biopic et met en lumière la façon dont le combat d’Angela pour l’émancipation des Noir-e-s américain-e-s s’inscrit dans une lutte sociale collective bien plus large, symptomatique d’une époque où s’affrontent encore les grandes idéologies du XXe siècle. Les dessins d’Ameziane Hammouche (« Amazing Ameziane ») soulignent avec force l’importance des enjeux. Ils varient d’un chapitre à l’autre pour créer une succession d’ambiances différentes, avec quelques très belles illustrations en double page.
Cavale, prison et procès
La cavale de Davis puis son emprisonnement sont relatés du point du vue d’une jeune journaliste blanche, June Seymour, fascinée par la force mentale d’Angela. Si l’insertion d’extraits d’articles de presse permet d’approfondir le contexte politique au fil du récit, on regrette que la scénariste n’ait pas cité ou inclus plus de sources historiques en clarifiant la part de réel et la part de fiction. Une bibliographie sommaire est tout de même fournie en fin d’ouvrage.
Bizarrement, Miss Davis accumule les fautes d’orthographe et de grammaire (« le nuit de Noël » p. 42, « je me suis installé » pour un sujet féminin p. 145, « une prostitué » p. 180), ce qui donne l’impression d’une mauvaise traduction à partir de l’anglais. La bande dessinée reste malgré tout une réussite grâce à un scénario original et de magnifiques illustrations.
J’ai aimé…
- le graphisme, avec des illustrations variées dans du point de vue du format, des techniques de dessin, que des couleurs,
- l’utilisation de différents points de vue qui offre une perspective multiforme sur le personnage d’Angela Davis,
- la structure largement chronologique, qui permet de suivre le parcours personnel et politique complexe d’Angela Davis sans trop se perdre.
J’ai moins aimé…
- les fautes de grammaire et d’orthographe, assez surprenantes dans un tel ouvrage,
- le sous-chapitre dédié à Cointelpro. Cet intermède en noir et blanc censé être didactique m’a paru assez confus,
- l’accent mis sur les personnes plutôt que sur les idées du mouvement Black Panther. L’épilogue, notamment, aurait pu être plus didactique.
J’aurais aimé…
- l’inclusion d’une photo de la « vraie » Angela Davis et un peu plus de citations extraites de ses écrits,
- quelques lignes en conclusion sur son héritage et sur la signification que son image a prise dans la culture contemporaine.
Article original publié dans Le Suricate Magazine
Editeur de la B.D. Miss DAVIS ?
Les Éditions du Rocher
Je suis en train de la lire… jusqu’à trois fautes sur certaines pages… c’est horrible. La construction très approximative de certaines phrases me laissait penser que c’était une mauvaise traduction. Mais même pas…
Je trouve ça très étonnant aussi, c’est vraiment dommage que le texte ne soit pas à la hauteur du graphisme !