Maria Vittoria est un roman assez particulier sur le destin d’une femme simple dans la campagne italienne des années 1920 à 1950. Une tranche de vie dans un contexte politique mouvementé, de l’arrivée au pouvoir de Mussolini en 1922 à l’effondrement de la dictature et à la libération de l’Italie par les Alliés en 1944-1945.
À cause de la première guerre mondiale qui a fauché de nombreux hommes, Maria s’inquiète de ne pas trouver de mari. Achille est un homme fort et travailleur qui rêve d’émigrer aux Etats-Unis. Lorsqu’il la demande en mariage, elle se réjouit d’une union qui lui permettra d’améliorer sa condition et d’élever « une bonne famille chrétienne ». Les jeunes mariés ouvrent une épicerie dans le petit village de Fosso, dans la région des Dolomites au Nord Est de l’Italie. Une situation privilégiée à une époque où le rationnement est chose courante et où la nourriture est un bien précieux. Commence alors une vie de famille source de joie mais aussi de nombreuses tragédies…
Vivre à l’ère fasciste
Du point de vue historique, Maria Vittoria offre une perspective originale sur cette période de l’histoire. Écrit à la troisième personne mais presque exclusivement du point de vue de Maria, qui a 25 ans en 1923, le roman offre une description très réaliste de la vie quotidienne dans un village rural loin de Rome. Il montre comment une communauté basée sur les valeurs traditionnelles de la famille, de la religion et du travail, perçoit avec méfiance à la fois l’avènement du fascisme et les tentatives d’opposition de la part des communistes locaux et des soldats alliés.
Le rapport au temps, à la nature, à la religion, les relations entre hommes et femmes… tous ces éléments essentiels pour comprendre la vie d’une femme comme Maria sont relatés par Elise Valmorbida avec un réalisme impressionnant. Dans un style très sec, presque documentaire, l’auteure décrit avec moults détails les tâches domestiques qui prennent alors tant de place dans la vie des femmes.
Une femme de son temps
Bien que l’aridité du style créé dans un premier temps une certaine distance par rapport au personnage, le lecteur s’attache progressivement à cette femme simple, peu éduquée et pleine de préjugés, mais dont la résilience et le sens du devoir génèrent l’admiration. Maria surmonte les obstacles de la vie avec détermination, qu’il s’agisse de la violence de son mari, dont son fils aîné la protège une fois qu’il a atteint l’âge adulte, de la perte de certains de ses enfant ou encore de la menace des Chemises noires.
Elle n’a versé que quelques larmes pour les deux bébés qu’elle a perdus. Elle n’avait pas le temps, trop de travail.
Très croyante, elle est taraudée par la culpabilité dès que sa conduite ne se conforme pas aux enseignements de l’Église. C’est le cas quand son cousin Duilio lui fait la cour alors qu’elle est déjà mariée, mais aussi quand elle se regarde avec plaisir dans un miroir. Le récit est d’ailleurs ponctué par ses dialogues imaginaires avec la Vierge Marie qui lui reproche certains comportements. Un aspect de la psychologie de Maria souligné par le titre original du roman en anglais : The Madonna of the Mountains.
Au final, Maria Vittoria est un de ces livres dont la lecture n’est pas forcément très agréable ou divertissante, mais qui offre un réel intérêt, à la fois du point de vue du sujet et du style. On sait gré à Elise Valmorbida de ne pas avoir choisi la facilité et de nous offrir un roman singulier et authentique. Un roman qui appelle d’ailleurs une suite, puisqu’il se termine avec le départ en bateau de la famille pour l’Australie. Une destination dont ils ne savent presque rien mais grâce à laquelle Maria et les siens espèrent fuir les tracas de l’après-guerre et prendre un nouveau départ.
J’ai aimé…
- Le portrait d’une héroïne atypiqueet attachante. Maria est une femme simple, peu éduquée et très pieuse, prisonnière des préjugés de son temps mais dotée d’une grande résilience et d’un sens du devoir ;
- L’utilisation d’un point de vue unique (à quelques exceptions près) qui renforce l’identification avec le personnage principal ;
- La perspective originale sur l’Italie fasciste et la seconde guerre mondiale. Le roman permet de mieux comprendre comment les évènements politiques ont été perçus par la population dans les villages ruraux, de l’avènement de Mussolini en 1922 à la libération de l’Italie par les Alliés en 1945 ;
- Le souci de réalisme, très poussé. La description détaillée des tâches domestiques donne ainsi une bonne idée de la vie quotidienne dans les campagnes italiennes dans la première moitié du XXe siècle.
J’ai moins aimé…
- Le changement de points de vue à au moins deux reprises (avec de courts chapitres donnant la parole à Delfina, la folle du village, et à Amélia, la fille aînée de Maria). Ces changements sont un peu déroutants et créent une sorte de déséquilibre au sein du récit, même si les récits parallèles ajoutent une dimension intéressante.
Merci à NetGalley et aux éditions Préludes de m’avoir permis de lire ce livre au moment de sa publication officielle le 19 septembre 2018.