Louise Violet est à la fois le portrait d’une femme et celui d’une époque. Après Délicieux (2021), ce nouveau film historique d’Eric Besnard qui sortira dans les salles belges le 6 novembre 2024 nous transporte en France en 1889, alors que la IIIe République vient d’instaurer l’école laïque, gratuite et obligatoire. Désireuse de changer de décor pour oublier un passé douloureux, Louise Violet est nommée institutrice dans un village de campagne. Prenant sa mission très au sérieux, elle s’imagine ouvrir les portes de la connaissance aux enfants pour leur offrir les clés de la réussite. Mais son arrivée au village est loin de faire l’unanimité et il va lui falloir des trésors de persévérance pour convaincre les paysans d’envoyer leurs enfants à l’école.
La méfiance des campagnes envers l’école obligatoire
Projeté en avant-première lors du WaHFF en septembre 2024, lauréat du Prix du public, Louise Violet mêle le réalisme historique à l’humour avec des moments feel good. Même s’il est plein de bons sentiments, le film évite l’écueil des personnages caricaturaux. Contrairement à ce que le synopsis pourrait faire croire, il ne s’agit pas ici de faire l’éloge de l’école républicaine laïque « à la française », telle que mise en place par les lois dites de Jules Ferry en 1882 et 1883. L’opposition laïques/catholiques est d’ailleurs à peine évoquée, le personnage du curé du village étant un homme assez pragmatique.
Ce qui intéresse le réalisateur, c’est plutôt le choc culturel entre des instituteurs qui, comme Louise Violet, viennent souvent de la ville où ils ont étudié à l’École normale, et les habitants des campagnes, méfiant envers les « intellectuels » qui préfèrent les travaux de l’esprit au travail de la terre. Le film rappelle ainsi que, même à la fin du XIXe siècle, l’école obligatoire n’allait pas de soi. L’idéal républicain d’une ascension sociale par le mérite se heurte à la volonté des paysans de transmettre la ferme familiale à leurs enfants – et à leur crainte que les enfants, une fois instruits, quittent la campagne. Le mépris de l’école de la République pour le travail manuel – qui est malheureusement loin d’avoir disparu – fait ainsi partie des sujets abordés par Louise Violet, qui donne une vision certes positive mais nuancée de l’école pour tous.
Le portrait d’une femme déterminée
Mais la force du film réside avant tout dans l’interprétation d’Alexandra Lamy, très convaincante dans ce rôle d’institutrice « hussarde noire de la République ». Femme seule et sans âge, elle est désireuse de se racheter après un passé trouble. Faisant preuve d’une résilience extraordinaire face à l’hostilité des paysans, elle est déterminée à sortir les enfants de l’ignorance et à trouver sa place dans une communauté fermée aux étrangers. Son personnage, caractérisé par un savant mélange d’assurance et d’humilité, est à la fois crédible dans le contexte historique qui est celui du film – et terriblement contemporain.
Article original publié dans le magazine Le Suricate