Cette année, nous fêtons le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci. À cette occasion, nombreuses sont les manifestations et initiatives culturelles qui, à travers l’Europe, rendent hommage à cet artiste et inventeur de génie, figure clé de la Renaissance italienne. C’est aussi l’occasion pour les éditions Quanto de publier la première traduction française de la biographie à succès de Walter Isaacson, parue deux ans plus tôt aux États-Unis : Léonard de Vinci. La biographie.
L’archétype de l’homme de la Renaissance
Par sa capacité à exceller dans le domaine artistique autant que dans les sciences et techniques, Léonard est un bon exemple de l’universalisme de l’homme de la Renaissance : un individu qui s’intéresse à toutes les dimensions du savoir et qui établit des ponts entre les différentes disciplines. Comme le remarque Isaacson, Léonard « se considère autant comme un artiste que comme un scientifique et un ingénieur ».
Sa curiosité insatiable est à la source de sa créativité. Autodidacte, ce n’est pas un génie doté d’une intelligence hors norme. Il ne fait pas d’études prestigieuses et peut à peine lire le latin ou résoudre des équations mathématiques. Paradoxalement, la force de Léonard réside dans ce manque d’éducation formelle. Pour compenser cette faiblesse, il apprend à aiguiser son sens de l’observation et à expérimenter en permanence. Son côté marginal (Léonard est un enfant illégitime, homosexuel, gaucher et végétarien) fait également sa force. Il assume sa différence et échappe à la carrière de notaire qui lui aurait été imposée s’il avait été le fils légitime de son père.
Pragmatique, il recherche la protection des puissants pour pouvoir exercer son art en toute liberté : Ludovic Sforza à Milan, César Borgia à Florence, puis François Ier en France, seront ses principaux mécènes.
Une œuvre multidimensionnelle analysée dans le détail
Journaliste et professeur d’histoire, Isaacson se passionne pour les grands innovateurs de l’Histoire et a notamment publié des biographies d’Albert Einstein et de Steve Jobs. Pour sa biographie de Léonard de Vinci, il s’est plongé dans les plus de 7 000 pages de notes griffonnées dans divers carnets remarquablement conservés. Les nombreuses illustrations qui jalonnent l’ouvrage en sont d’ailleurs souvent extraites. Elles permettent de pénétrer de manière parfois presque « intime » dans les pensées du maître.
Outre les carnets et croquis, Isaacson présente une analyse détaillée de nombreuses peintures de Léonard. Il offre une interprétation très convaincante de plusieurs œuvres majeures, y compris lorsqu’il tente de percer les nombreux mystères de La Joconde. Son analyse comparée de deux versions de La Vierge aux rochers est également très intéressante. Concernant la célèbre peinture murale de La Cène à Milan, Isaacson se distancie de l’interprétation de Kenneth Clark, auteur d’une autre biographie de référence sur Léonard de Vinci publiée en 1939. Il utilise cette œuvre pour illustrer le lien entre les différents talents de Léonard :
La mise en scène artificielle de La Cène, avec ses mouvements outranciers, sa perspective astucieuse et la théâtralité des gestes de ses personnages, porte la marque de l’expérience de Léonard en tant qu’imprésario et organisateur de spectacles de la cour.
Isaacson accorde enfin une place importante aux œuvres non achevées comme L’Adoration des Mages, Saint Jérôme et La Bataille d’Anghiari. La tendance de Léonard à la procrastination est vue comme un corollaire de sa curiosité permanente et de son perfectionnisme, plutôt que comme un signe de fainéantise.
Au final, cette nouvelle biographie très bien documentée peut paraître excessivement longue (plus de 650 pages !) à ceux qui souhaitent juste en savoir un peu plus sur Léonard de Vinci. Mais pour tous ceux que la Renaissance fascine, l’effort en vaut la peine. Grâce à une structure chronologique complétée par plusieurs regroupements thématiques au sein des chapitres, le livre contient très peu de répétitions et le style de l’auteur est très agréable. Une lecture exigeante mais extrêmement enrichissante !
J’ai aimé…
- L’approche très didactique. Isaacson parvient à rendre compréhensibles des œuvres très complexes grâce à un style clair qui limite les termes techniques au maximum. L’ouvrage offre par ailleurs des repères pratiques comme la liste des personnages principaux ayant côtoyé Léonard tout au long de sa vie.
- Les nombreuses illustrations accompagnées d’analyses détaillées. Si certains lecteurs risquent de se sentir submergés par la quantité de détails fournis par Isaacson sur chaque œuvre majeure, j’ai personnellement beaucoup apprécié l’immersion dans les œuvres et les notes du maître.
J’ai moins aimé…
- Le chapitre de conclusion. De façon assez inhabituelle pour une biographie, Isaacson conclue avec une liste de recommandations pour « devenir comme Léonard ». Si cette approche permet de récapituler les principaux traits de charactères du personnage, certains conseils (par exemple : « Faites des listes. Et assurez-vous d’y inscrire des choses bizarres ») semblent plus rhétoriques que véritablement utiles.
Merci aux éditions Quanto (Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne) de m’avoir permis de lire ce livre au moment de sa sortie officielle en mars 2019.