Bien que l’éditeur présente l’ouvrage comme un roman historique, Lafayette et Washington : À la conquête de la liberté est en réalité un essai romancé, une sorte de double biographie sur l’amitié qui lie George Washington (1732-1799), chef d’État-major de l’Armée continentale pendant la guerre d’indépendance des Etats-Unis (1775-1782), et le marquis de Lafayette (1757-1834), jeune noble français parti à la tête d’une troupe de volontaires « défendre la liberté » contre l’ennemi anglais. Comme dans Louise d’Orléans : Première Reine des Belges de Mia Kerckvoorde, une autre biographie romancée que j’ai beaucoup appréciée, l’auteure a mené une analyse approfondie de la correspondance entre les deux hommes, qu’elle cite abondamment en support de son récit.
Ce qui rend cette amitié unique, c’est son intensité mais aussi son caractère improbable. Lorsque Lafayette arrive pour la première fois aux Etats-Unis en 1777, il n’a que 19 ans et ne parle pas un mot d’anglais. Washington a quant à lui la quarantaine bien entamée et une carrière militaire impressionnante derrière lui. Malgré leurs différences d’âge et de culture, les deux hommes vont très vite nouer une relation solide faite d’amitié, d’admiration et de respect mutuel. Orphelin depuis l’âge de 12 ans, Lafayette voit en Washington un mentor et une figure paternelle. Catherine Goulletquer, par ailleurs spécialiste de l’analyse transgénérationnelle, insiste d’ailleurs beaucoup sur ce point. Si le lien qu’elle établit entre l’histoire familiale des deux hommes et leur complicité est tout à fait convaincant, les références à l’éducation de Lafayette par ses tantes et sa grand-mère, ainsi que son attrait pour les récits chevaleresques, sont trop fréquentes à mon goût et auraient pu être allégées en de nombreux endroits.
Ce défaut mis à part, la lecture de l’ouvrage est agréable et très instructive, du moins si l’on s’intéresse à l’histoire militaire. Les péripéties militaires et diplomatiques ayant abouti à l’indépendance des Etats-Unis sont relatées de manière très vivante et j’ai personnellement appris beaucoup de choses sur la nature de l’engagement français auprès des Américains, les relations entre les Etats-Unis et le Canada, entre l’Armée continentale et les Indiens d’Amérique, ou encore sur l’origine de la fête de l’indépendance du 4 juillet.
Sphère privée et sphère publique sont étroitement imbriquées dans la vie des deux hommes. Lafayette nomme ainsi son fils George en l’honneur de son ami, qui est aussi le parrain de l’enfant. La victoire de l’Armée continentale sur le Royaume d’Angleterre fait entrer les deux hommes dans la légende. Le grand mérite de ce livre est de nous faire percevoir leur humanité profonde, au-delà du mythe du héros révolutionnaire.
J’ai aimé…
- Le style très accessible, même pour le lecteur sachant très peu de chose de la guerre d’indépendance des Etats-Unis ;
- L’utilisation de nombreux extraits de la correspondance des deux hommes dans le récit ;
- La structure chronologique avec des chapitres cohérents.
J’aurais aimé…
- Davantage de visuels. Hormis l’illustration de couverture et la carte des treize colonies, l’iconographie de la période, pourtant riche, est absente. Des portraits des personnages célèbres auraient pu être inclus pour rendre la lecture plus agréable, de même que des reproductions de tableaux représentant les batailles mythiques comme celle de Yorktown ;
- Un peu moins de répétitions concernant l’enfance de Lafayette et ses idéaux chevaleresques ;
- Un épilogue plus développé évoquant le rôle joué par Lafayette dans la Révolution française ;
- Une chronologie récapitulative en annexe, ainsi que les références des archives consultées.
Je remercie les éditions La Geste de m’avoir envoyé un exemplaire du livre dans le cadre de l’opération « Masse critique » de Babelio.