Sandrine Pautard est née à Pau en 1962. Médecin de formation, elle a vécu dans de nombreux pays étrangers et dans différents territoires de France, dont Saint-Pierre-et-Miquelon où elle a exercé quelques années. De retour en métropole, elle a commencé à écrire sur l’archipel, cette « dernière épine française plantée dans le pied des grands voisins nord-américains ».
Aujourd’hui établie à Toulouse, elle continue à écrire et nous parle de La morue voit rouge !, un roman policier historique publié chez L’Harmattan en juin 2015.
Avant d’écrire La morue voit rouge !, vous aviez déjà publié des souvenirs sur votre séjour à Saint-Pierre-et-Miquelon. Comment vous est venue l’idée du personnage de Victor, et pourquoi avoir choisi de situer votre roman en 1905 plutôt qu’aujourd’hui ?
J’aime beaucoup la période charnière entre le 19e et le 20e siècle où les savoirs et les échanges s’accélèrent follement. Bien avant de m’intéresser à Saint-Pierre-et-Miquelon, j’avais déjà exploré cette période dans un roman policier ayant pour cadre la grande crue de 1910 au Jardin des Plantes de Paris, Meutres en crue. Le personnage de Victor, instituteur hussard de la République, m’a interessée dans la mesure où son profil assez lisse et conventionnel au début du roman permet de faire intervenir dans sa vie des personnages autrement plus différentiés qui vont le faire évoluer.
J’aime beaucoup le titre et l’image de couverture de votre ouvrage. La couleur du sang annonce un roman policier, mais on apprend aussi que le rouge est une maladie infectieuse qui empêche la morue de bien se conserver. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’origine de ce titre énigmatique ?
Mon grand-père qui était anglais adorait les romans policiers de Chester. Et moi, j’étais fascinée par les couvertures où il y avait souvent des pin-up des années 50 et les titres très décalés dont je me demandais ce qu’ils pouvaient bien cacher. Cela m’a amusé de concocter un titre qui reflète un peu cet humour.
Le personnage de Léontine, la fille du gouverneur, féministe militante, m’a beaucoup intriguée. Le lecteur s’attend dans un premier temps à une intrigue romantique avec Victor, avant de s’apercevoir que Léontine est finalement assez insensible au charme des hommes. Qui est-elle vraiment ?
Léontine est une femme comme il y en a eu bien plus qu’on se l’imagine et dont le rôle est assez méconnu en France, notamment parce que cela a été le fait de grandes bourgeoises voire de quelques aristocrates. Ce type de personnage nous est beaucoup plus familier dans le monde anglo-saxon où des femmes ouvrières se sont structurées et ont manifesté pour leurs droits dans tous les domaines, y compris sur le plan politique. Quant à l’insensibilité de Léontine pour Victor, j’ai évité d’en faire un personnage caricatural qui ne corresponde pas à une certaine réalité. Nombre de femmes peu attirées par la maternité, libres financièrement, ont fait le choix de ne pas se marier, non pas par dégout des hommes mais plus simplement parce qu’elle n’avaient pas envie d’une vie d’aliénées.
J’ai cru comprendre que vous étiez en train d’écrire la suite des aventures de Victor. Sans trop nous dévoiler, pouvez-vous nous donner un petit avant-goût de ce deuxième volet ?
Oui, bien sûr ! Le prochain volet est terminé et en quête d’un éditeur. Il n’est pas question de meurtre dans L’Œuvre au Bleu, et pour cause puisque les cadavres de la première guerre mondiale ponctuent le roman. Il y est tout particulièrement question d’un marché frauduleux assez colossal passé entre la Morue Française et l’Etat qui a conduit à livrer du poisson avarié à nos armées. Un procès a eu lieu en 1915. On y parle également de ces hommes venus de très loin qui ont été fauchés dans les tranchées de France et dont on ne garde pas forcément la mémoire : les troupes coloniales d’Afrique, des Indes et.. de Saint-Pierre-et-Miquelon. Et je n’ai surtout pas oublié de faire une large place aux femmes dans ce roman – à leurs combats et à leurs amours.
Merci beaucoup Sandrine pour cet entretien et bonne chance pour la publication du 2e tome des aventures de Victor !