Le film Au revoir les enfants de Louis Malle (1987) a désormais sa version bande dessinée. Un ouvrage bien scénarisé grâce auquel on découvre « la suite » du film, à savoir la résistance morale héroïque du près Jacques dans les camps de concentration nazis.
Un éducateur hors normes
« Père Jacques », c’est le nom religieux de Lucien Bunuel, un prêtre au charisme hors normes qui fut arrêté par les Nazis en janvier 1944 pour avoir caché des enfants juifs dans son collège à Avon, en Seine-et-Marne (France). Né en Normandie en 1900, issu d’une famille pauvre, il montre très tôt un intérêt pour la religion et se fait remarquer par ses talents d’éducateur.
Alors que le film de Louis Malle est raconté du point de vue de l’un des jeunes élèves du collège d’Avon, le roman graphique de Camille W. de Prévaux s’intéresse à l’ensemble de la vie du Père Jacques. Tout en rendant hommage à son charisme et à son dévouement exceptionnels, la scénariste évite l’hagiographie. Elle prend soin de dévoiler les défauts et le côté parfois irritant de cet homme qui ne peut jamais rien faire comme les autres.
Un récit sous forme d’enquête
Ayant elle-même mené des recherches approfondies sur le personnage, de Prévaux déroule son récit à travers l’enquête d’un journaliste fictif qui, en 1958, aurait collecté un certain nombre de témoignages directs sur le père Jacques. Si ce procédé prête parfois à confusion (les transitions entre flashbacks ne sont pas toujours évidentes), il a le mérite de mettre en lumière la façon dont le père Jacques a profondément marqué la vie de ceux qui l’ont côtoyé.
Toujours chercher l’humain, même dans l’enfer des camps
Le grand intérêt de cette version BD d’Au revoir les enfants est en effet de montrer comment la résistance du Père Jacques s’est prolongée après son arrestation, jusque dans l’enfer des camps de concentration. Déporté à Sarrebrück en Allemagne puis à Mauthausen en Autriche, il n’a de cesse d’offrir du réconfort aux plus faibles et de chercher l’humain là où toute dignité humaine semble avoir été écrasée.
Le dessin aux traits nets de Jean Trolley, dont l’encrage en noir et blanc a été réalisé par de Prévaux, met en avant les expressions des visages plus que le décor. Il renforce ainsi la dimension humaine du récit, sans toutefois omettre de décrire certaines scènes de violence horribles.
Mort d’épuisement en juin 1945 alors que les camps ont été libérés, le père Jacques a malgré tout voulu laisser un message d’espoir dans les heures les plus sombres de l’humanité. Son leitmotiv, « être un homme », résonne encore aujourd’hui comme une aspiration universelle au respect et à la dignité.
Un très beau livre qu’on prend encore plus plaisir à découvrir après avoir visionné le film.
Article original publié dans Le Suricate Magazine