photo de femmes algériennes habillées à l'occidentale dans les années 1950

« Algériennes » ou la guerre d’indépendance vécue par les femmes

Algériennes : 1954-1962 est une très belle bande dessinée historique de Swann Meralli et Deloupy récemment publiée chez Marabout. Bien que reposant sur des témoignages fictifs, l’ouvrage est très bien documenté et dévoile, à travers les portraits croisés de cinq femmes, un aspect souvent négligé de la mémoire collective de la guerre d’Algérie : l’expérience des femmes, du côté pro-français comme du côté indépendantiste.

Dès la première page, l’horreur de la guerre et les violences extrêmes perpétuées dans chaque camp, notamment à l’égard des femmes, frappent le lecteur. Comme toutes les guerres, la guerre d’Algérie offre son lot de sévices sexuels. Certaines scènes de torture de moudjahidate (le nom donné aux femmes combattantes dans le maquis) par les paramilitaires français sont insoutenables (« Il enfonçait des morceaux de bois et des couteaux dans mon vagin », p. 98) et nous rappellent que les femmes ne se sont pas contentées de rester à l’arrière-plan.

Béatrice, une jeune Française dont le père a fait la guerre d’Algérie mais qui refuse de parler de cette période de sa vie avec sa famille, constitue le trait d’union entre Djamila la résistante, Saïda la fille de harki, Bernadette la pied-noir, et Malika la militante politique. Ayant « l’impression d’hériter d’un tabou familial, comme d’un tabou national » (p. 9), elle décide d’aller en Algérie pour mener sa propre enquête et mieux comprendre ce qui s’est passé de 1954 à 1962, date de l’indépendance du pays.

La force d’Algériennes réside sans conteste dans la multiplicité des perspectives qu’offrent les témoignages de femmes, chacun étant marquant à sa manière. Les dessins de Deloupy, très évocateurs, mais surtout son usage subtil des couleurs dans les flashbacks, contribuent à renforcer la tension et l’émotion ressenties à chaque récit d’un destin individuel, marqué à jamais par la guerre.

Un ouvrage à la fois très beau et très dur, informatif et nécessaire, pour mieux comprendre les nombreux paradoxes du conflit algérien dont les plaies sont aujourd’hui encore loin d’être cicatrisées.

J’ai aimé…

  • La façon dont Béatrice constitue un trait d’union entre les différents témoignages de femmes
  • L’équilibre subtil entre récits personnels et éléments de contexte historique
  • Le dessin de Deloupy et en particulier son utilisation des couleurs

J’aurais aimé…

  • Un peu plus d’explications sur les tensions internes au sein des mouvements indépendantistes
  • Quelques noms de femmes bien réelles ayant joué un rôle important dans le conflit, par exemple en annexe

Exemplaire gratuit reçu via Babelio Masse critique

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