The Happy Prince (« Le Prince heureux ») est le titre d’un court récit publié par Oscar Wilde en 1888. Pour son premier long métrage derrière la caméra, Rupert Everett fait de ce conte merveilleux une métaphore illustrant les derniers jours du grand écrivain et dramaturge irlandais. Après avoir joui d’une grande célébrité à Londres au début des années 1890, notamment grâce à ses pièces de théâtre comme L’importance d’être constant, Wilde est condamné à la prison et à deux ans de travaux forcés en 1895 pour avoir entretenu une relation homosexuelle avec le jeune Lord Alfred Douglas, surnommé « Bosie ». À sa sortie de prison, Wilde s’exile à Paris, après une courte escapade italienne avec Bosie, qu’il n’a pas réussi à oublier.
C’est à ces trois dernières années de sa vie – celles qui suivent sa sortie de prison – que s’intéresse le film. Malade, criblé de dettes, rejeté par la bonne société de Londres, Wilde survit tant bien que mal dans la capitale française grâce à l’aide de deux amis restés fidèles, Reggie Turner et Robbie Ross, interprétés respectivement par Colin Firth et Edwin Thomas. C’est Everett lui-même qui incarne le personnage principal de son film. Une performance impressionnante qui dévoile un Wilde vieillissant, porté à la débauche et à l’autodestruction, mais aussi un homme authentique qui refuse les faux semblants et qui conserve son sens de la répartie et de l’autodérision dans l’adversité.
Ardent défenseur des droits des homosexuels, Everett ne fait pas de son film un plaidoyer en faveur de l’artiste déchu. Il se garde d’idéaliser le personnage, notamment en le montrant dans des scènes de débauche qui ne lui donnent pas forcément le beau rôle. À côté de certaines scènes marquantes (dont la scène de chant au cabaret, reprise dans le générique de fin), quelques passages du film paraissent un peu outranciers, comme la scène de bagarre pendant l’enterrement.
Contrairement au film de Brian Gilbert (1997) sobrement intitulé Wilde avec Jude Law et Stephen Fry, The Happy Prince ne fait qu’évoquer très succinctement les années de gloire, le mariage avec Constance et la naissance de leurs deux fils. Ce n’est donc pas un biopic conventionnel, mais plutôt une perspective intéressante et originale sur la déchéance d’un artiste. De même que le « prince heureux » du conte se défait de son or pour aider les autres, avant d’être rejeté par les habitants de la ville, Wilde ne se voit pas repayé de ses largesses et finit au ban de la société qui le célébrait quelques années plus tôt. Une leçon sur le caractère éphémère de la gloire et sur l’impossible rédemption d’un hédoniste qui ne peut s’empêcher de repousser les limites jusqu’à détruire ceux qu’il aime.
Trivia : Les Bruxellois reconnaîtront la place des Martyrs lors d’une scène censée se dérouler… dans un bistrot parisien !
Article original écrit pour Le Suricate Magazine