Inspiré d’une histoire vraie, Red Joan raconte, en mode flashback, la relation ambiguë et compromettante d’une jeune physicienne anglaise avec un agent soviétique déterminé à percer le secret de la bombe atomique pour « rétablir l’égalité » entre les puissances américaine et russe. Une « trahison » qui ne sera mise à jour que bien des années plus tard.
Avant d’être un film, Red Joan est un roman à suspense de Jennie Rooney, publié en 2013. Le récit s’inspire de faits réels, à savoir la découverte en 1999 d’un agent du KGB dans la personne de Melita Norwood, une fonctionnaire britannique alors âgée de 87 ans. Si le roman comme le film prennent de nombreuses libertés avec la réalité historique, tous deux dressent un portrait de femme complexe et amorcent une réflexion sur les motivations des espions pendant la Seconde guerre mondiale.
Est-ce trahir son pays que de vouloir éviter un nouvel Hiroshima ? Le monde aurait-il été plus sûr si la Russie n’avait pas acquis la bombe atomique aussi rapidement après les États-Unis ? Si ces questions sont au cœur de Red Joan, le film offre avant tout le portrait d’une jeune femme tiraillée par les contradictions de son époque.
Amoureuse du jeune et beau Léo, un Russe juif ayant fuit les persécutions antisémites, Joan n’adhère ni au communisme soviétique, ni à la politique anglaise visant à exclure les alliés russes des programmes de recherche scientifique sur la bombe atomique. Ayant accès à des informations classées secret défense, elle se trouve face à un dilemme : Doit-elle aider Léo au risque de sa vie, ou doit-elle au contraire rejeter un homme qui ne semble s’intéresser à elle que pour les informations qu’elle est susceptible de lui procurer ?
Si le scénario n’est pas franchement original, Red Joan a le mérite de recréer de manière assez convaincante l’atmosphère confuse de la fin de la Seconde guerre mondiale et de l’immédiat après-guerre. Alors que les États-Unis, l’Angleterre et la Russie combattent ensemble le nazisme, les différences idéologiques contribuent à un climat de rivalité et de suspicion qui s’immisce même dans les milieux universitaires, préparant le terrain à la guerre froide.
Le récit en mode flashback permet de créer un effet proche du thriller et d’instaurer un contraste entre la confusion des sentiments de la jeune Joan (Sophie Cookson) et le regard rétrospectif plus tranché des jeunes générations – une perspective incarnée par le fils de Joan, un avocat qui peine à comprendre la trahison de sa mère. Judith Dench interprète de manière convaincante une femme qui, après plusieurs années de secrets et de mensonges, accepte de reconnaître sa responsabilité tout en défendant son éthique personnelle.
Un bon drame historique avec juste assez de suspense, de romance et de profondeur psychologique pour offrir un moment de « détente instructive ».
Article original écrit pour Le Suricate Magazine