Si vous entendez parler de journalisme d’investigation, vous penserez sûrement à Albert Londres ou, pour la période contemporaine, à Edwy Plenel ou Michael Moore. Mais connaissez-vous Nellie Bly ? Le deuxième tome de la série Pionnières des éditions Soleil met à l’honneur cette légende du journalisme qui a marqué la première moitié du XXe siècle.
Une âme révoltée éprise de vérité et de justice
Née 1864, Nellie Bly, de son vrai nom Elizabeth Cochrane Seaman, grandit dans une famille éduquée mais appauvrie par la mort prématurée du père. Bien qu’elle ne puisse pas terminer ses études faute de pouvoir les financer, Nellie refuse de travailler comme gouvernante. Elle décide de tenter sa chance à New York. Elle obtient un emploi de journaliste pour le Pittsburgh Dispatch où elle se fait remarquer en proposant des reportages qui dénoncent les conditions de travail de la classe ouvrière, se faisant au passage pas mal d’ennemis parmi les puissants.
Rendue célèbre par ses reportages clandestins, elle se fait notamment passer pour une malade mentale afin d’infiltrer pendant une dizaine de jours un asile psychiatrique, le Blackwell’s Island Hospital. Son article est publié dans le New York World. Elle y dénonce le traitement inhumain réservées aux patientes, dont certaines sont loin d’être folles. C’est cet épisode de la carrière de Nellie que le scénariste Nicolas Jarry relate dans la bande dessinée. Une expérience qui illustre les dangers pris par les journalistes d’investigation pour faire éclater la vérité et mettre à jour les injustices.
Un bon équilibre en histoire et fiction
En choisissant d’évoquer cet épisode plutôt que de proposer une BD biographique « classique », Jarry parvient à générer une intrigue forte avec une bonne dose de tension et d’émotions. Il se permet d’ailleurs de petites entorses à la réalité historique. Ainsi, le reportage à Blackwell n’était pas une condition pour que Nellie soit embauchée New York World, comme cela est suggéré dans la BD. Cette dramatisation est contrebalancée par une annexe de sept pages qui offre une biographie plus complète du personnage, évoquant par exemple le tour du monde en 72 jours qui contribua à renforcer la célébrité de Nellie après le reportage sur l’asile.
Les dessins léchés de Guillaume Tavernier se marient bien avec le côté documentaire de la BD et créent une ambiance réaliste qui met l’accent sur les personnages. Leurs émotions sont d’autant plus vivantes qu’aux dialogues s’ajoute la « voix off » de Nelly qui nous permet de vivre l’expérience d’internement à ses côtés. Un bel ouvrage qui confirme la qualité la série Pionnières, dont le premier tome consacré à Anita Conti était également très réussi.
Merci aux éditions Soleil de m’avoir permis de lire ce livre au moment de sa publication officielle le 19 août 2020.