Coup de cœur de cette année, la série Mrs America est une véritable réussite sur tous les plans. Scénario, jeu des actrices, bande son, costumes… Dahvi Waller, co-scénariste de Mad Men, parvient à conjuguer sens du détail et créativité pour faire revivre l’Amérique des années 1970 avec passion, humour et intelligence.
Une lutte éminemment politique
Dans les années 1970, l’ Equal Rights Amendment (ERA) a constitué est l’un des principaux chevaux de bataille du mouvement de libération des femmes aux Etats-Unis. Il s’agissait d’un projet d’amendement de la Constitution visant stipuler l’interdiction des discriminations légales sur la base du sexe. Malgré la brièveté et la simplicité désarmante du texte, l’ERA est rapidement devenu un enjeu de lutte politique hautement symbolique entre Républicains et Démocrates, mais aussi plus généralement entre les forces progressistes et les forces conservatrices de la société. A côté des icones du féminisme comme Betty Friedan et Gloria Steinem, les femmes au foyer s’organisent sous la houlette de Phyllis Schlafly pour former un mouvement anti-ERA défendant les valeurs familiales traditionnelles.
L’une des grandes forces de la série est de retracer le parcours de l’ERA (jamais adopté faute d’avoir été ratifié par un nombre suffisant d’Etats) du point de vue des deux camps. Certes, la série est clairement pro-féministe, le dernier épisode n’hésitant pas à faire un parallèle entre l’Amérique conservatrice de Reagan et celle de Trump. Toutefois, le scénario est subtil et les personnages des deux bords sont tout en nuances. Du côté des activistes de gauche, les débats opposent celles qui veulent absolument lier les doits des femmes aux droits des minorités (sexuelles, raciales…) et celles qui prônent une approche plus pragmatique pour convaincre les députés modérés. Du côté des traditionnalistes, certaines militantes (représentées par le personnage d’Alice) sont mal à l’aise avec l’influence du camp ultrareligieux et des groupes suprémacistes blancs.
Des femmes qui n’ont pas froid aux yeux
Cate Blanchett interprète magistralement le rôle de Phyllis Schlafly. Cette mère de six enfants, mariée à un avocat républicain influent, défend farouchement un modèle familial où la femme est dévouée à sa famille et à la religion. Mais Phyllis est aussi une femme pleine de contradictions qui se passionne pour les questions de défense et décide de tenir tête son mari en reprenant des études de droit à l’université pour mieux défendre sa cause.
Chacun des neuf épisodes met en avant le point de vue d’une femme en particulier. Autant de portraits à la fois féroces, drôles, et attendrissants. Malgré la part importante de fiction dans la série, le contexte historique est reconstitué avec un véritable sens du détail, jusque dans l’apparence des personnages. Leurs vêtements mais aussi leurs attitudes sont reconstitués avec minutie. On retrouve ainsi la robe à carreaux avec laquelle la première députée noire-américaine Shirley Chisholm s’est faite photographiée en 1972 !
Grâce à un casting, un scénario et une réalisation admirables, Mrs America offre une plongée très convaincante dans l’histoire de ces pionnières américaines qui ont donné aux femmes une voix (encore trop faible) dans l’espace public. Une série à dévorer sans modération !