La petite danseuse de quatorze ans est un essai sur la fameuse sculpture d’Edgar Degas (1834-1917) représentant une jeune danseuse de l’Opéra de Paris, dont un exemplaire en bronze est conservé au Musée d’Orsay (l’original a été réalisé avec de la cire). Camille Laurens, auteure d’une thèse de doctorat sur la création artistique et littéraire, s’intéresse au contexte historique dans lequel cette sculpture a vu le jour, et surtout à la jeune fille qui a servi de modèle à l’artiste, une certaine Marie Geneviève Van Goethem.
Née en 1865 dans une famille belge très modeste, Marie se fait renvoyer de l’Opéra peu de temps après avoir posé pour Degas et on perd sa trace dans les archives. Loin de l’image glamour que l’on associe aujourd’hui aux « petits rats de l’Opéra », Laurens révèle le dénuement et la corruption de ce milieu qui voient les mères des petites danseuses prostituer leurs filles à la sortie des répétitions.
Elle évoque aussi la mauvaise réception de l’œuvre lors de son exposition au salon impressionniste de 1881. Le réalisme de la sculpture choque les contemporains. On reproche à Degas de représenter la fillette de manière bestiale, on la compara à un singe ou un aztèque.
Comme le résume Laurens :
Degas franchit (…), avec cette sculpture, une double frontière symbolique : celle de la bienséance et celle des règles académiques de l’art. Il accomplit une révolution à la fois morale et esthétique, il brise les tabous. D’une part, il choisit un sujet sulfureux, qui heurte les bonnes mœurs ; d’autre part, il sape les fondements mêmes de la statuaire.
J’ai aimé…
- La démarche personnelle de l’auteure et la façon dont elle révèle les différentes étapes de son enquête sur la petite Marie
- Le style, accessible même au lecteur qui ne connaît pas grand-chose à l’art et au mouvement impressionniste
J’ai moins aimé…
- La structuration en longs chapitres sans titre regroupant plusieurs thèmes, avec un effet parfois un peu brouillon
- Le dernier chapitre se perd en conjectures (« Si Edgar Degas n’avait pas pris Marie pour modèle de sa Petite Danseuse, celle-ci serait probablement restée à l’Opéra. ») et en rapprochements hasardeux (« Il m’arrive même de penser que les interminables marches que faisait Degas tous les jours pendant des heures (..) étaient sa manière inconsciente de rester avec ces petits rats qu’on surnommait les « marcheuses »). La frustration qui en résulte est renforcée par le changement de style. Dans son dialogue imaginaire avec Marie, l’auteure semble oublier… son lecteur.
Au final, cet ouvrage offre une lecture stimulante et informative malgré un dernier chapitre superflu et parfois un peu irritant.
Je remercie Netgalley et les éditions Stock de m’avoir permis de lire ce livre avant sa publication officielle.