Le film J’accuse de Roman Polanski suscite la polémique en raison des parallèles qu’a fait le réalisateur entre sa propre histoire et celle d’Alfred Dreyfus. Sur le plan du contenu et de la forme toutefois, il s’agit d’un film très académique sans rien de sensationnel.
Un épisode sombre de l’histoire de France
« J’accuse », c’est avant tout le titre de la lettre ouverte publiée par Émile Zola en 1898 dans le journal L’Aurore pour dénoncer le procès inéquitable ayant conduit à la condamnation d’Alfred Dreyfus en 1895. Accusé de haute trahison, cet officier d’artillerie juif fut déchu de ses fonctions dans l’armée française et emprisonné sur l’île du Diable, dans des conditions d’isolement particulièrement cruelles.
En plus d’être symptomatique de la montée de l’antisémitisme dans la société française de la fin du XIXe siècle, la condamnation de Dreyfus est aussi un scandale d’État qui a sérieusement ébranlé la IIIe République. En effet, les plus hauts responsables militaires et politiques ont cherché à étouffer l’affaire une fois l’innocence de Dreyfus avérée, souhaitant ainsi éviter un deuxième procès qui aurait révélé des manquements importants au sein de l’armée.
Picquart, le héros oublié
Si dans la mémoire collective la révélation du scandale est aujourd’hui associée au J’accuse d’Émile Zola, c’est en réalité au lieutenant-colonel Georges Picquart qu’on doit la dénonciation du déni de justice. Incarné de manière très convaincante par Jean Dujardin, Picquart est lui-même imbu des préjugés antisémites de son siècle. Mais une fois confronté à la preuve matérielle de l’innocence de Dreyfus, il suit sa conscience et se dresse contre la hiérarchie militaire au risque de mettre en péril sa carrière.
Adapté du roman de Robert Harris An Officer and a Spy, publié en 2013, le film de Polanski fait lui aussi de Picquart le vrai héros de l’affaire Dreyfus. L’ensemble du scandale est ainsi raconté de son point de vue. Contrairement à ce que le titre du film pourrait laisser entendre, le rôle d’Émile Zola est très peu évoqué (son exil après sa condamnation à la prison, par exemple, est totalement passé sous silence). La publication du célèbre article est néanmoins introduite de manière très habile dans une scène forte, alors que Picard vient d’être privé de liberté pour avoir pris la défense de Dreyfus.
Un film rigoureux du point de vue historique
Condamné par la justice américaine pour abus sexuels sur mineure et refusant toujours l’extradition vers les États-Unis, Roman Polanski a écrit avoir vu dans l’affaire Dreyfus un écho à sa propre histoire de « harcèlement » et de « persécution ». Si on peut légitiment être choqué par ce parallèle, et quoique l’on pense de Polanki en tant qu’homme, il faut reconnaître que le film en lui-même est assez conventionnel.
Rigoureux sur le plan historique, comme le roman dont il est inspiré, J’accuse a le mérite de révéler en détail les mécanismes ayant permis à un innocent d’être condamné alors même qu’il n’existait aucun preuve solide de sa culpabilité. Les scènes de procès, loin d’être ennuyeuses, sont bien rythmés et servent à souligner les enjeux politiques à l’œuvre derrière le destin individuel d’un simple officier.
Le Picquart incarné par Jean Dujardin est un héros qui se dresse presque seul contre tout un système, alors qu’il a tout à perdre et très peu à gagner. Toutefois, le jeu des acteurs reste sobre et peu de scènes génèrent véritablement des émotions fortes chez le spectateur, à tel point qu’on a parfois l’impression de visionner un film à visée pédagogique plus que dramatique.
Le film a été projeté en avant-première au Festival du film historique de Waterloo.
Merci beaucoup !
J’irai le voir… quand je pourrai. 🙂