D’Onyx et de bronze est une très belle bande dessinée qui évoque la barbarie des zoos humains au XIXe siècle à travers quatre récits fictifs inspirés de faits réels. Grâce à une approche textuelle et graphique originale et très stylée, elle confronte le lecteur à la violence inouïe du racisme moderne.
Une confrontation des points de vue très intéressante
Sans prétendre à l’exhaustivité ni au documentaire, D’Onyx et de bronze offre un recueil de quatre récits rédigés à la première personne qui sont autant d’expériences subjectives du racisme antinoir du XIXe siècle au XXe siècle. Chacune des histoires choisie par Sibylle Titeux de la Croix est racontée d’un point de vue différent. Le premier récit donne la parole à un oppresseur à travers la figure d’un naturaliste anglais, Kyle Anderson, parti en 1857 en expédition à la recherche d’un « spécimen » africain lui permettant de faire le lien entre l’homme et le singe. Son regard plein d’ignorance et de mépris sur les habitants de Gambie, de Sao Tomé et de Namibie, souligne les dangers de la pseudo-science qui, au XIXe siècle, cherche à justifier une prétendue hiérarchie entre les races.
Le deuxième et le quatrième récits, en revanche, sont racontés du point de vue de jeunes Africaines forcées de participer à des « spectacles » humiliants les assimilant à des sauvages pour le plaisir malsain d’un public blanc avide d’exotisme. Le troisième récit, quant à lui, alterne entre le point de vue d’une jeune Africaine et d’une jeune Française dans un effet de miroir intéressant qui finit par battre en brèche la frontière entre « eux » et « nous ».
La déshumanisation de l’autre
Si le contenu est très sombre et violent, D’Onyx et de bronze n’en est pas moins lumineux sur le plan visuel, grâce aux magnifiques illustrations d’Ameziane Hammouche (alias « Ame »). Celles-ci multiplient les contrastes entre un fond majoritairement noir et des teintes blanches et ocre, alternant par ailleurs les visages aux traits fins et précis avec de simples ombres-silhouettes. Comme dans Miss Davis, issu du même duo de scénariste-dessinateur, on ne peut s’empêcher de caresser les pages et de savourer l’ambiance très puissante créée par les effets de contraste.
Sans chercher à donner des leçons, l’ouvrage incite le lecteur à réfléchir aux racines du racisme. Étendant le propos au-delà des zoos humains, l’épilogue évoque la barbarie nazie pour mieux montrer que l’assimilation de l’autre à un « sous-homme », voire à un animal, constitue l’aboutissement inéluctable de la logique raciste. Une logique meurtrière qui, une fois le livre refermé, est malheureusement loin d’avoir totalement disparu.
Article original écrit pour le Suricate Magazine