Une fois n’est pas coutume, intéressons-nous à l’histoire immédiate : celle du référendum de 2016 sur l’adhésion du Royaume-Uni à l’Union européenne. Le téléfilm Brexit : The Uncivil War, diffusé sur la chaîne britannique Channel 4 début 2019, offre en effet une occasion intéressante d’approcher les faits par le biais de la fiction.
Le scénario de James Graham ne manque pas d’ambition. Son objectif est de dévoiler les véritables raisons de la victoire du camp du NON. Pour cela, il inclue de temps en temps dans son film quelques images documentaires tirées de la campagne électorale, de manière d’ailleurs assez réussie. Ses protagonistes sont clairement et nommément identifiés : il s’agit des principaux acteurs de la campagne, hommes politiques ou gourous de la communication – un monde d’ailleurs presque exclusivement masculin où les femmes ne font que de la figuration.
Même si le spectateur n’a aucun doute sur l’issue du vote, Brexit : The Unicivil War parvient à créer une réelle tension dramatique et à maintenir notre intérêt pendant une bonne heure et demie. Malgré cela, le résultat déçoit par son côté caricatural et simplificateur. La multiplicité et la complexité des forces à l’œuvre dans cette campagne électorale auraient mérité un traitement plus équilibré.
Le film donne notamment l’impression que le succès de la campagne du NON est principalement imputable à un cerveau : celui de Dominic Cummings (Benedict Cumberbatch), le directeur de campagne du camp eurosceptique. Présenté comme un génie de la communication aux techniques peu conventionnelles, il reçoit une véritable carte blanche de la part des députés conservateurs euroseptiques. Boris Johnson et Nigel Farage sont ainsi réduits au rôle de simples marionnettes – ce qui apparaît clairement comme une exagération.
L’assassinat de la députée travailliste Jo Cox le 16 juin 2016 est un moment clé du film. Cummings semble alors se mettre à douter de la légitimité de son combat, même si on ne comprend pas trop pourquoi.
Le message central du film est que la campagne du NON n’aurait sûrement pas prévalu sans son avance technologique, à savoir l’utilisation de publicités électorales micro-ciblées sur les réseaux sociaux. Cette stratégie a été rendue possible par la collaboration avec des entreprises comme AggregateIQ and Cambridge Analytica. Spécialisées dans la collecte de données personnelles, celles-ci ont depuis été condamnées pour leurs pratiques en partie illégales.
Mais cette nouvelle forme de communication politique en ligne explique-t-elle tout ? Les scènes les plus convaincantes de Brexit : The Uncivil War sont finalement celles où les défenseurs du OUI se trouvent démunis face à des tactiques faisant fi des faits avérés. Dans la rue comme dans les discussions de focus groups organisées par les partis, les électeurs semblent peu enclins à faire confiance aux experts de l’establishment et à leur approche factuelle, préférant se fier à leur intuition.
L’utilisation par la campagne du NON de chiffres fantaisistes (comme les fameux 350 millions de livres sterling que le Royaume-Uni pourrait soi-disant économiser chaque semaine s’il quittait l’UE) s’avère être une stratégie efficace. Sans apporter de réponses, le film souligne le problème posé par le nombre croissant de « fausses vérités » véhiculées par les médias, et dont la diffusion est amplifiée par les réseaux sociaux. Une tendance difficile à contrer pour les pays démocratiques, et dont le Brexit constitue un cas d’école.