Tour Eiffel, Paris

A comme Eiffel

Couverture de la BD "A comme Eiffel" (Castermann, 2019)

A comme Eiffel est une bande dessinée biographique sur la vie de Gustave Eiffel, le concepteur de la fameuse Tour devenue le symbole de Paris. On y découvre notamment la vie intime du personnage et sa relation amoureuse secrète avec sa cousine Alice.

Malgré quelques flashbacks, A comme Eiffel offre un récit largement chronologique. Amoureux de sa cousine Alice dès l’enfance, le jeune Gustave fait face au refus de sa mère qui nourrit de grandes ambitions pour son fils unique. À 16 ans, il quitte la province pour étudier à Paris. Il se passionne alors pour le progrès technique et les grands projets d’infrastructure. Le chemin de fer est en train de révolutionner les modes de transport et le monde a besoin d’ingénieurs pour construire les gares, les ponts et les viaducs nécessaires au passage des voies ferrées.

Faisant se contredire le texte (les lettres envoyés par Gustave à sa mère) et les images (révélant la vie dissolue du jeune étudiant à Paris) pour créer un effet comique, les auteurs-dessinateurs montrent comment un jeune dilettante s’est progressivement mué en travailleur infatigable. Après avoir travaillé sur plusieurs grands projets en France et en Europe, Gustave participe à la construction du viaduc de Saigon en 1875.

L’année suivante, il achève la construction de la Statue de la Liberté, monument offert par la France aux États-Unis pour célébrer le centenaire de la déclaration d’indépendance de 1776. La bande dessinée rappelle d’ailleurs le rôle des Franc-maçon dans la conception du projet, initialement prévu pour être exposé à l’embouchure du Canal de Suez, avant d’atterrir dans la baie de New York. Gustave n’assistera malheureusement pas à l’inauguration en grande pompe de sa statue, étant contraint de rester en France pour l’enterrement de sa mère.

Celle-ci l’ayant contraint à épouser une fille d’un brasseur pour laquelle il n’éprouve aucun sentiment, Gustave néglige sa famille pour s’investir dans des projets de plus en plus démesurés. Le bicentenaire de la Révolution française en 1889 est en effet l’occasion rêvé pour lui de proposer un monument à la gloire du progrès technique : une tour en fer qui sera le symbole de l’exposition universelle.


À travers l’inclusion de quelques archives et notamment d’extraits de la presse de l’époque, les auteurs soulignent le caractère controversé de la Tour Eiffel. De nombreux artistes, architectes et écrivains, dont Guy de Maupassant et Émile Zola, signent ainsi une tribune commune qualifiant la Tour Eiffel d' »inutile et monstrueuse ». Qui aurait pu penser, alors, que cette construction censée être temporaire deviendrait bientôt le symbole même de la capitale française ? On sait que la base évasée de la Tour fut conçue pour supporter son poids et atteindre une hauteur de 300 mètres. Mais, pour Xavier Coste et Martin Trystram, peut-être que la forme en « A » de la Tour Eiffel aurait quelque chose à voir avec l’amour de Gustave pour Alice…

La gloire est toutefois de courte durée. Eiffel est en effet éclaboussé par le scandale du Canal de Panama, un projet qui se révèle être un véritable gouffre financier. De nombreux petits épargnants français ayant investi dans l’aventure se retrouvent ruinés alors qu’Eiffel, lui, s’est considérablement enrichi. Attaqué par la presse antisémite, il est condamné pour escroquerie et emprisonné à la Conciergerie, avant d’être libéré quelques temps plus tard. Son ego, lui, est blessé à jamais.

À travers un dessin mêlant des tracés aux contours très nets et une coloration évoquant l’aquarelle ou le crayon gras, A comme Eiffel alterne les scènes aux couleurs chaudes et aux couleurs froides pour mieux épouser les hauts et les bas de la vie de ce grand rêveur qu’était Gustave Eiffel. Un bel ouvrage pour les passionnés du XIXe siècle et les amoureux de la « Dame de fer ».

Article original écrit pour Le Suricate Magazine

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