photo de soldats américains pendant la guerre du Vietnam

« Pentagon Papers », le plaidoyer de Spielberg pour la liberté de la presse

Le dernier film de Steven Spielberg, Pentagon Papers (« The Post » pour la version originale en anglais), s’attaque à un épisode clé de l’histoire de la démocratie américaine : la diffusion par la presse, au début des années 1970, de documents confidentiels révélant le véritable rôle joué par les Etats-Unis en Indochine, de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1960.

Ces fameux « papiers du Pentagone » correspondent à un rapport secret de près de 7 000 pages rédigé à la demande du Ministère de la défense américain en 1967. L’un des auteurs du rapport, Daniel Ellsberg, un chercheur au MIT (incarné dans le film par Zach Woods), initialement favorable à l’engagement américain mais progressivement révolté par les excès de la guerre du Vietnam, décide de transmettre une copie du document à la presse, espérant ainsi faire éclater la vérité sur la nature des opérations américaines en Asie du Sud-Est. Parmi les révélations choc : le fait que l’administration Kennedy ait activement participé à l’assassinat du Président sud-vietnamien Ngo Dinh Diem en 1963, ou encore la reconnaissance de l’inutilité des bombardements américains intensifs au Nord du Vietnam.

Mais ce n’est pas tant le rôle d’Ellsberg comme lanceur d’alerte que les relations entre la presse et le pouvoir politique qui intéressent Spielberg. Le film adopte un point de vue original : celui des dirigeants du Washington Post (Katharine Graham et Ben Bradlee, incarnés par le duo Meryl Street-Tom Hanks, très convaincant), un quotidien alors en perte de vitesse, contraint d’ouvrir son capital à de nouveaux investisseurs pour assurer sa viabilité. Ce n’est pourtant pas le Post mais bien le New York Times qui, le premier, commence à diffuser une partie des informations classées en juin 1971.

La décision du Post d’emboîter le pas au Times, malgré une action en justice intentée par la Maison blanche au nom du secret défense, donne à l’affaire une nouvelle dimension, mettant en lumière à la fois la concurrence et la solidarité entre les principaux titres de presse. Malgré des faits historiques connus et un dénouement sans suspense (la Cour suprême donnera raison aux deux quotidiens), l’approche choisie par le réalisateur maintient le spectateur en haleine pendant deux heures. Ce n’est pas le résultat qui importe, mais le comment et le pourquoi.

Pourquoi les gouvernements successifs ont-ils menti au public sur la véritable situation du conflit au Vietnam ? Comment des journalistes qui avaient tant à perdre ont-ils trouvé le courage de risquer leur carrière (voire, pour certains, leur liberté) pour faire éclater la vérité ? Streep est magistrale dans le rôle de Graham, principale actionnaire du Post, femme de pouvoir pourtant paralysée par son manque de confiance en elle et par les préjugés machistes de son temps. À travers son dilemme personnel, le film nous invite à nous interroger sur le besoin de transparence de nos sociétés modernes et sur la mesure dans laquelle ce besoin est susceptible de mettre en danger la sécurité nationale. Impossible de ne pas penser au scandale Wikileaks et au pardon de Chelsea Manning par Obama. Pas sûr, toutefois, que nos lanceurs d’alertes du XXIe siècle puissent espérer le même happy end hollywoodien…

Article original écrit pour Le Suricate Magazine

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