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Entretien avec Pascale Le Bellais sur son roman « Le temps des foudres »

Portrait de Pascale Le Bellais

Pascale Le Bellais, docteure en histoire des sciences, travaille dans le domaine de la recherche scientifique et médicale. Son premier roman historique, Le temps des foudres, vient d’être publié. Inspiré de faits réels, il évoque l’épizootie (épidémie animale) qui a ravagé le Sud-Ouest de la France à partir de 1772. Une crise sanitaire et économique majeure qui mènera à la création de la Société Royale de Médecine.

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce qu’est une crise d’épizootie et comment elle s’est développée à la fin du XVIIIe siècle ?

Une épizootie est une épidémie animale. Celle dont il est question dans mon livre est une peste bovine, une maladie très contagieuse pour laquelle il n’existe toujours pas de traitement, mais qui a été éradiquée en 2010. Elle s’est répandue dans le nord de l’Europe à l’occasion du premier conflit mondial, la Guerre de sept ans (1756-1763). En effet, les troupes étaient suivies de troupeaux pour la nourriture.

Pourquoi avoir choisi de raconter cet épisode complexe par le biais d’une fiction ?

Premièrement, parce que l’histoire est complexe justement. Je me suis dit que la fiction était un bon moyen pour la rendre plus digeste. Deuxièmement, la fiction m’a permis d’aborder les conséquences pratiques tant pour les administrés que pour les décideurs à tous les niveaux de l’Etat.

Votre roman s’intéresse à la réponse des autorités face à la crise. Quel a été le rôle du gouvernement et des scientifiques dans l’endiguement de l’épidémie ?

Le gouvernement a été désemparé face à l’ampleur et aux conséquences économiques qui ont durement frappés tout le Sud-Ouest. À cette époque, il n’y avait pas d’industrie, tout reposait sur l’agriculture. Comme il s’agissait d’une crise sanitaire, il s’est naturellement tourné vers l’institution scientifique de référence : l’Académie des sciences. L’Ecole vétérinaire était de création récente. Les mesures préconisées, l’abattage notamment, étaient terriblement coûteuses. Le gouvernement a donc hésité à les mettre en œuvre, mais a finalement dû s’y résoudre. Ce retard a provoqué l’aggravation de l’épizootie. Les scientifiques sont allés sur place et ont essayé des remèdes. À cette occasion, Félix Vicq d’Azyrn, médecin anatomiste, a constaté l’isolement des praticiens et la nécessité de mieux coordonner. C’est ainsi qu’est née en 1776 la Société royale de correspondance de médecine chargée des épidémies et des épizooties, devenue en 1778 la Société royale de médecine, chargée en plus de la labellisation des remèdes. L’appui de Lasson, le premier médecin du roi, de Turgot et de Louis XVI a été déterminant. Louis XVI a même fait envoyer les troupes contre la Faculté de médecine qui avait fait fermer ses portes en protestation contre la création de la Société royale de médecine. Un autre appui très important a été celui du lieutenant général de police (un peu l’équivalent de notre ministre de l’intérieur), Lenoir.

Dans quelle mesure peut-on établir des parallèles entre cette crise sanitaire et celle que nous vivons actuellement ?

Les réflexes sont toujours les mêmes. La crise sanitaire doublée d’une crise économique amène les gouvernements à prendre l’attache des scientifiques. Les mesures face à une épidémie ou épizootie sans traitement connu sont toujours l’isolement, et l’abattage pour les animaux. Le non-respect des mesures, les profiteurs, aggravent la situation. Finalement, une réorganisation se met en place. Cependant il faut bien avoir à l ‘esprit que le passé n’est pas un réservoir de solutions pour le présent, mais que se priver de cette connaissance c’est se priver de sources de réflexion et d’expérience. Nos aïeux n’étaient pas plus bêtes que nous ni plus honnêtes ou malhonnêtes.

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