Détail du portrait de Mary Shelley par Richard Rothwell (1840)

Mary Shelley, le film sur l’auteure de Frankenstein

Tout le monde ou presque connaît la légende de Frankenstein, ce monstre créé par l’homme à partir de restes humains. Mais qui connaît l’histoire de son inventrice, la jeune Mary Shelley  (1797-1851)? Le film d’Haifaa al-Mansour choisit de s’intéresser à la vie de la jeune romancière, de sa rencontre avec le poète Percy Shelley en 1814 à la publication de Frankenstein en 1818.

Mary n’a en effet que seize ans quand elle rencontre Percy. Celui-ci est déjà marié mais elle accepte malgré tout de s’enfuir avec lui, emmenant avec elle sa demi-sœur Claire Clairmont. Deux ans plus tard, lors d’un séjour chez Lord Byron à Genève, le jeune poète anglais, déjà célèbre, met ses invités au défi d’écrire une histoire de fantômes la plus glaçante qui soit. Un simple jeu d’émulation qui encourage Mary à se lancer et qui aboutit quelques mois plus tard à la publication de son roman Frankenstein ou le Prométhée moderne.

La genèse d’un chef d’œuvre

Plusieurs scènes du film évoquent les de manière intéressante les influences qui ont mené une si jeune femme à accoucher d’un récit si étrange et si subversif pour l’époque. On découvre ainsi l’attrait de Mary pour les romans gothiques, alors très en vogue en Angleterre, et sa propension à écrire des histoires de fantômes pour effrayer et amuser son demi-frère, encore enfant. Lors d’un spectacle de magie, Mary découvre également le galvanisme, c’est-à-dire la possibilité de contracter le muscle d’un organisme mort grâce à la stimulation par un courant électrique.

Mais si Frankenstein est aujourd’hui souvent utilisé comme une métaphore pour dénoncer les excès de la science, Al-Mansour en fait avant tout un récit sur l’abandon et la solitude, créant ainsi un parallèle avec l’histoire de Mary Shelley. De même que la créature du docteur Frankenstein est rejetée par son créateur dès sa naissance, Mary souffre de ne pas avoir connu sa mère, morte quelques jours après sa naissance. Ce sentiment de perte est de nouveau exacerbé à l’époque de la rédaction du roman, alors que Mary surmonte avec peine le deuil de son premier enfant et qu’elle se sent délaissée par Percy.

Une jeune femme en lutte contre les préjugés de son temps

Rendue célèbre par son excellent premier long métrage Wadja en 2012, la réalisatrice saoudienne prend certaines libertés avec les faits historiques. Elle fait par exemple l’impasse sur le voyage en Europe du jeune couple Shelley avant de rejoindre Genève, et met parfois son actrice principale (Elle Fanning, convaincante dans le rôle) dans des situations à la limite de la vraisemblance, comme lorsque celle-ci initie un baiser langoureux avec Percy devant une assemblée d’hommes d’âge mûr dans la librairie de son père. Une attitude alors aussi scandaleuse que d’enfanter hors mariage !

Le film a toutefois le mérite de souligner l’héritage culturel exceptionnel de Mary. Sa mère, Mary Wollstonecraft, était l’une des premières féministes anglaises, auteure d’un essai sur les droits des femmes, A Vindication of the Rights of Woman (1798). Son père, William Godwin, écrivain et libraire, est également un libre-penseur qui dénonce le carcan de la religion et de la morale qui empêche les individus, hommes et femmes, de s’épanouir dans la société du XIXe siècle. Un environnement progressiste qui explique l’attrait de Mary pour de jeunes artistes radicaux comme Shelley et Byron, partisans de l’athéisme (du moins pour Shelley) et de l’amour libre.

Loin de faire de Shelley et Byron (incarnés respectivement par Douglas Booth et Tom Sturridge) des héros romantiques tourmentés par leur génie et leur ultra sensibilité, al-Mansour les représente en jeunes hommes cyniques, égoïstes, et perpétuellement ivres, largement insensibles aux conséquences de leurs actes. Comme toujours, ce sont les femmes qui paient le prix de la transgression : plus que les hommes, elles souffrent de l’illégitimité de leurs enfants ainsi que des préjugés des milieux artistiques. En cela, Mary Shelley est bel et bien une femme au destin exceptionnel. Malgré le rejet des éditeurs et une première publication anonyme, elle finit par revendiquer haut et fort la paternité de son œuvre. Une œuvre aux multiples adaptations qui reste l’un des romans les plus célèbres de la littérature mondiale.

Article original écrit pour Le Suricate Magazine

Une réflexion sur “Mary Shelley, le film sur l’auteure de Frankenstein

  1. armoirealire dit :

    Merci pour la découverte ! J’ai lu le roman il y a bien longtemps mais je serai ravie de découvrir la vie de l’auteure que je connais malheureusement très mal ! Je vais remédier à ce problème.. A bientôt !

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