Portrait de Marie, Reine d'Ecosse, en tenue de deuil, par François Clouet (1560)

Marie Stuart, Reine d’Ecosse : un biopic de plus

Marie Stuart, Reine d’Écosse (Mary Queen of Scots pour le titre original en anglais) est un nouveau biopic – il y en a déjà eu un certain nombre ! – sur cette reine du XVIe siècle célèbre pour avoir été exécutée par sa cousine et rivale, Elisabeth Ière d’Angleterre. C’est d’ailleurs cette rivalité qui est au cœur du film de Josie Rourke, une réalisatrice britannique avec une longue expérience de la mise en scène au théâtre.

Deux cousines à la fois complices et rivales

Cousines et orphelines, Marie et Elisabeth ont en commun d’exercer le pouvoir royal dans un monde d’hommes où leur autorité est sans cesse remise en cause. Leur lien de parenté et leur situation les amènent à entretenir une certaine estime l’une envers l’autre. Marie demande par exemple à Elisabeth d’être la marraine de son fils Jacques. Mais les deux femmes sont également rivales. Marie estime être l’héritière légitime de la couronne d’Angleterre, alors que sa foi catholique rend toute prétention au trône inacceptable pour la Cour de Londres, largement protestante.

Les protestants sont d’ailleurs également majoritaires en Ecosse, et nombreux sont ceux qui refusent d’accepter cette reine catholique revenue de France à l’âge 18 ans après le décès de son époux le roi François II. Le théologien John Knox, soutenu par le demi-frère de Marie, Jacques Stuart, attise la rancune populaire à l’égard de la jeune souveraine et fomente une véritable rébellion qui place l’Ecosse en état de guerre civile. C’est en fuyant ce chaos que Marie se retrouve en Angleterre, à la merci de sa rivale…

Comme dans la plupart des œuvres de fiction consacrées aux deux reines, Marie est présentée comme une femme passionnée, impulsive et déterminée, alors qu’Elisabeth, plus austère, est indécise et mesurée. Saoirse Ronan offre une assez belle prestation en faisant de Marie une jeune femme à la fois ingénue et pragmatique, vulnérable et courageuse. Margot Robbie incarne quant à elle une Elisabeth particulièrement fragile, manquant de confiance en soi.

Un film historique très… contemporain

Contrairement à d’autres films qui accordent plus d’importance au séjour de Marie à la Cour de France et à ses dernières années en captivité, le Marie Stuart de Rourke s’intéresse presque exclusivement au règne effectif de Marie, de 1560 à 1567. Tous les évènements clés y sont inclus : le mariage avec Lord Darnley, la naissance de leur fils, l’assassinat de David Rizzio, ménestrel de la Reine… Le résultat est un film dense dont l’intrigue est plus facile à suivre lorsque l’on connaît déjà le contexte historique.

Les costumes et les reconstitutions sont particulièrement soignés. On se délecte des magnifiques paysages écossais et des vues aériennes sur les palais de Londres et d’Édinbourg. Si les faits historiques sont globalement respectés, Rourke prend malgré tout quelques libertés avec l’Histoire, notamment en imaginant un face à face secret entre les deux souveraines : une rencontre en chair et en os qui n’a en réalité jamais eu lieu. Si ce choix offre une certaine intensité dramatique au duel Marie-Elisabeth, il affaiblit aussi le film par son côté invraisemblable (les deux femmes se rencontrent dans un lieu étrange rempli de linge et de marmites d’eau fumantes, et Marie se permet de traiter Elisabeth d' »inférieure » alors même qu’elle a désespérément besoin de sa protection).

D’autres interprétations sont par ailleurs assez osées, comme la scène de la nuit de noces où Darnley délaisse sa femme pour passer la nuit… avec un homme ! L’introduction des thèmes de l’homosexualité et de la bisexualité à travers le personnage de Rizzio, mais surtout la tolérance prêtée à Marie la Catholique face à ces comportements, font d’ailleurs partie de ces aspects qui donnent au film une tonalité très contemporaine. On remarque également l’introduction de personnages secondaires d’origine africaine ou asiatique, inhabituelle dans ce genre de films. Si l’authenticité de ces personnages est contestable du point de vue historique (notamment en ce qui concerne l’ambassadeur anglais en Ecosse et la principale dame de compagnie d’Elisabeth), l’effet produit n’est pas sans déplaire aux spectateurs du XXIe siècle.

Une interprétation parmi d’autres

Malgré le manque de vraisemblance de certaines scènes et le côté parfois un peu trop caricatural de l’opposition entre les deux reines, Marie Stuart n’a pas à rougir devant les autres tentatives de biopic qui l’ont précédé. Il faut dire que beaucoup de ces adaptations étaient particulièrement ratées, comme le téléfilm de 2002 avec Clémence Poésy dans le rôle de Marie Stuart (Gunpowder, Treason & Plot), le film Mary, reine d’Ecosse de Thomas Imbach (2014), ou encore la série historico-fantastique pour ados Reign (2013), très librement inspirée des jeunes années de Marie.

Pour ceux qui souhaiteraient prolonger le plaisir en découvrant d’autres variations sur le même thème, on recommandera plutôt le film Elizabeth de Shekhar Kapur (1998) ou encore l’excellent roman historique de Margaret George, Mary Queen of Scotland and the Isles (1992, malheureusement non traduit en français).

Article original écrit pour Le Suricate Magazine

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.