Le Radeau de La Méduse, Théodore Géricault (1818-1819). Tableau de 4m91x7m16 conservé au Musée du Louvre à Paris (détail).

Les Naufragés de La Méduse, l’expérience traumatique derrière le tableau de Géricault

Les Naufragés de La Méduse est une très belle bande dessinée historique qui se lit comme un roman. À travers les yeux du peintre Géricault, le lecteur découvre le récit effroyable du radeau de La Méduse. Un fait divers frappa l’opinion publique française du début du XIXe siècle et qui donne aujourd’hui encore la chair de poule.

Un naufrage qui aurait pu être évité

https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/albums/les-naufrages-de-la-meduse

La Méduse, c’est une frégate qui quitte les côtes françaises en juin 1816 pour rejoindre le Sénégal. À bord, des militaires, des fonctionnaires coloniaux avec leurs familles, mais aussi quelques scientifiques. Le capitaine de Chaumareys, un vicomte qui n’a pas navigué depuis vingt ans, commet plusieurs erreurs qui entraînent l’échouage du navire sur un banc de sable au large des côtes du Sénégal. Plusieurs membres de l’équipage avaient pourtant anticipé le risque. Mais l’heure est à la Restauration du pouvoir monarchique et les nobles n’aiment pas se laisser dicter leur conduite par ceux qu’ils considèrent comme des subalternes.

Très complet, Les Naufragés de La Méduse aborde de manière intéressante cet aspect de la tragédie. Les inégalités sociales expliquent en effet que les privilégiés aient pu échapper au naufrage par barque alors que les plus pauvres, eux, se sont entassés sur un radeau à la dérive… Le contexte historique est par ailleurs très présent, mettant en scène les tensions entre bonapartistes et royalistes, mais aussi les désaccords autour de la question de l’esclavage.

Deux récits entrecroisés

La bonne idée des auteurs est d’alterner entre deux récits : celui des naufragés de La Méduse, et celui du jeune peintre Théodore Géricault qui, un an tard, décide de réaliser un tableau grand format pour évoquer ce drame. Engagé dans une idylle secrète avec sa tante, Géricault débat de son projet avec ses amis peintres, dont Vernet et Delacroix.

L’alternance des deux récits, loin d’être gênante, offre au lecteur un répit après certaines scènes insoutenables. Le sort des naufragés sur le radeau est en effet épouvantable : faim, soif, peur, violences, folie… pour finir par des actes de cannibalisme. Malgré un dessin aux couleurs majoritairement douces avec des effets d’aquarelle, Jean-Sébastien Bordas réussit à susciter des émotions très intenses.

La quête de vérité du peintre

À travers les recherches de Géricault qui se documente pour réaliser sa toile, le lecteur pose un regard critique sur les évènements. La rencontre du peintre avec les rescapés, et notamment le médecin Henri Savigny, donne lieu à une réflexion très intéressante sur ce qui reste d’humain dans les situations extrêmes. Face à la culpabilité du survivant, Géricault déclare :

« Les monstres n’ont pas de remords. Vous n’avez été qu’un humain dans une situation qui ne l’était pas. Et c’est cela que je veux peindre.

Vous êtes un survivant de cette tragédie… Mais en aucun cas il ne s’agit d’une forme de victoire. Sur ce radeau… Je ne vois que des vaincus »

p. 124-125

Les Naufragés de La Méduse est un ouvrage remarquable qui prouve que les romans graphiques peuvent être aussi profonds et marquants que les romans « classiques ». Seule petite déception : Le livre ne contient aucune reproduction du fameux tableau de Géricault, même pas en annexe !

Pour en savoir plus

Pour prolonger le plaisir après la lecture de la BD, je conseille l’excellent podcast d’Autant en emporte l’Histoire : Charlotte Picard, naufragée de la Méduse, diffusé pour la première fois en février 2018.

Article originale publié dans Le Suricate Magazine

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